Emmanuelle Dourson impose, dès son premier roman, son univers intérieur et très singulier
L'autrice belge, née en 1976, impose son univers où les liens entre les individus sont à l’épreuve des aspérités du chemin.
- Publié le 18-03-2021 à 16h52
- Mis à jour le 24-03-2021 à 14h35
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née à Bruxelles en 1976, impose son univers où les liens entre les individus sont à l’épreuve des aspérités du cheminSorti en janvier dernier, le livre s’est tout de suite rallié de nombreux suffrages. Si les dieux incendiaient le monde est un roman qui vole haut avec des références littéraires et artistiques qui le balisent tout du long : Nabokov, Homère, Smargiassi, Shakespeare, Virginia Woolf, Philippe Jaccottet, Beethoven et même… Stromae lui apportent une caution de choix. C’est surtout un roman singulier, énigmatique, intérieur qui, en dépit d’une certaine complexité, s’impose par sa perception des fêlures humaines et des attentes qu’elles suscitent, par sa réflexion sur nos problèmes de société, par son regard ouvert sur le monde et le temps. Mais qu’est-ce que le temps ? N’y sommes-nous pas inscrits dès l’origine ? Les questions majeures ou mineures jaillissent au fur et à mesure d’une histoire qui relie entre eux, au-delà de leurs désaccords, les membres d’une même famille.
Amour manqué
Ils sont six à faire entendre leurs voix dans un concert à la musique subtile et au vocabulaire d’une précision recherchée au point de ralentir parfois une lecture que l’on aimerait plus fluide ou continue. Le personnage qui rallie les émois et les pensées de tous les autres est celui qui manque. Qui leur manque. C’est Albane, pianiste de renom qui a fui sa famille bruxelloise à la suite d’un drame personnel, a fait sa carrière à New York où la gloire a compensé l’amour manqué et qui, après quinze ans de silence, hors une carte annuelle envoyée pour Noël, revient à Barcelone donner un concert unique. Son père, Jean, vieillissant et blessé à la jambe, entendant à la radio un entretien qui annonce son retour, décide, malgré sa santé vacillante, d’aller à la rencontre de cette fille qui trop lui a échappé. Mais acceptera-t-elle sa main tendue ? La mère, décédée mais présente, est la narratrice impromptue du récit auquel elle apporte son souffle et son recul. Clélia, la sœur aînée séduisante et volage, qui a brisé les amours de sa cadette en lui volant Yvan devenu son mari jaloux et bouleversé par ses anciens souvenirs, complète le tableau avec lui et leur fille Katia qui cherche sa place dans le sillage d’une tante qu’elle ne connaît pas.
Une intrigue riche de sensations
Tous veulent, sur place ou chez eux, entendre jouer la revenue. Chacun a avec elle une histoire ou des rêves soulevant des émotions intimes ou des questions personnelles initiées par les bonheurs anciens comme par le remords ou la mélancolie. Le concert sera, outre le point final, le point culminant du livre amené par une tension de plus en plus prégnante. À travers une intrigue riche de sensations, d’images, de symboles, Emmanuelle Dourson, née à Bruxelles en 1976, impose son univers où les liens entre les individus sont à l’épreuve des aspérités du chemin. Mêlant anecdotes familières, interrogations existentielles et influences culturelles, elle en fait peut-être un peu trop, obligeant le lecteur qui s’y perd à des retours en arrière qui exigent patience et détermination. Du temps en somme. Encore faudrait-il s’entendre sur la notion de temps.
- *** Si les dieux incendiaient le monde | Emmanuelle Dourson | Grasset, 254 pp., 20 €, version numérique 15 €