Vingt-quatre heures de la vie d’une jeune femme
À vingt-quatre ans, Shane Haddad signe un premier roman électrisant, portrait actuel d’une étudiante.
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- Publié le 18-03-2021 à 09h05
- Mis à jour le 18-03-2021 à 11h15
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Shane Haddad n’a que vingt-quatre ans. Toni tout court, son premier roman, elle l’a écrit dans le cadre du master Création littéraire organisé par l’université du Havre - institution pionnière en ce domaine. Et ce qui frappe d’emblée, c’est son écriture directe, tout en phrases courtes, qui dégage une énergie folle. Comme une balle de flipper, les images, les sensations, les flashs de souvenirs rebondissent à grande vitesse dans la tête de Toni. Ce jour-là est celui de ses vingt ans. Mais pour elle, pas de fête prévue, pas de cadeaux ni de surprises, juste un rendez-vous manqué avec son père. Alors, pour combattre le vide et les pensées dérangeantes, elle se focalise sur un objectif : le match de foot auquel elle ne manquera pas d’assister dans la soirée. "Être supporter c’est comme faire partie d’un amour tragique."
Une étudiante comme tant d’autres
Avant ce rendez-vous qui cristallise son attention, elle doit malgré tout traverser la journée. Son quotidien est celui d’une étudiante comme tant d’autres - injuriée dans la rue, subissant les cours, déchirée par la culpabilité qui la ronge, tentant d’échapper aux injonctions d’une mère qui ne cesse de la tourmenter, blessée par l’amour déçu. Depuis le matin, elle est en proie à un étrange mal-être qu’elle ressent physiquement dans son cœur, dans sa gorge. Et elle ne cesse de vomir - lendemain de cuite ou symptôme de grossesse ? Parce qu’avoir vingt ans constitue une sorte de charnière, on la sent en équilibre précaire entre l’enfant qu’elle est encore et la femme qu’elle espère ou craint, l’on ne sait trop, devenir.

En ce sens, le match du soir se révélera comme un bain purifiant, étape nécessaire de sa métamorphose. Toni n’attend rien d’autre que se fondre dans une masse anonyme, animée par la même envie : voir son équipe gagner. Longtemps, elle n’a rien compris au football, mais elle suivait. Aujourd’hui, elle a besoin de cette communion, de laquelle elle espère "ressortir adulte". Malgré ses fragilités, Toni se révèle en réalité forte de connaître le remède à sa mélancolie : elle sait que disparaître dans le stade lui permettra de s’oublier, de se libérer. "Il y a des choses qu’on ne contrôle pas. C’est sans doute ce que l’on doit apprendre à vingt ans."
- Shane Haddad | Toni tout court | roman | P.O.L. | 151 pp., 17 €, version numérique 12 €
EXTRAIT
"Toni se réveille un matin avec quelque chose entre le coeur et la gorge qui lui donne un air de chagrin. Le matin elle est sensible. C'est le matin d'un match, c'est un vendredi. Possible que Toni ait fait un mauvais rêve la nuit dernière, parce que cette chose qu'elle a entre le coeur et la gorge n'est pas là tous les matins. Certains matins elle a cette chose, ce qui fait qu'elle connaît la sensation. Mais certains matins elle ne l'a pas et elle oublie que la chose existe. Toni ne saurait pas comment l'appeler, cette chose. Quand la chose est là elle n'a plus qu'à regarder le plafond de sa chambre."