Un devoir de mémoire filial…
P.P. Baeten et ses enfants ont fait œuvre utile face à la réémergence des chimères néofascistes.
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Publié le 19-03-2021 à 18h34 - Mis à jour le 19-03-2021 à 18h35
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La formule interpelle toujours : "le ventre est encore fécond d’où a surgi la bête immonde"… Davantage encore en ces temps de pandémie, on se rend compte non sans quelque effroi qu’on a décidément bien oublié les horreurs totalitaires d’extrême droite et d’extrême gauche. Et la disparition inéluctable des derniers témoins n’est pas pour nous rassurer contre l’essor des populismes et des partis liberticides. Dans cet environnement, il est essentiel de mettre l’accent sur la sortie d’un témoignage à la fois personnel et familial à diffuser le plus largement au nom du devoir de mémoire.
Une rare barbarie
En découvrant en 1941, à l’athénée de Berchem où il était élève, qu’un de ses profs enseignait en uniforme SS (!) et recrutait des condisciples pour aller sur le front de l’Est, Pieter Paul Baeten, âgé à peine de 15 ans, suivit au contraire un autre enseignant appelant à entrer en résistance. Avec ses amis, il rallia la Witte Brigade Fidelio de Lier et mena des missions de plus en plus périlleuses, de la diffusion de tracts à celle de la presse clandestine. Hélas, dénoncé deux ans plus tard, Pieter Paul vécut jusqu’à la fin de la guerre le calvaire des prisonniers Nacht und Nebel qu’Hitler entendait punir avec une rare barbarie pour avoir fait front au nazisme. Un calvaire pour le jeune lycéen qui passa par les camps d’Esterwegen, Gross-Strehlitz, Gross-Rosen, Dora et la Boelcke-Kaserne de Nordhausen. Se réinsérant difficilement dans la société, Pieter Paul Baeten s’efforça de ne pas accabler ses enfants avec ce passé de souffrances, mais il constata l’importance de témoigner de l’incroyable violence et inhumanité qu’il avait subies avec ses camarades de combat. D’autant plus qu’alors la Belgique n’était pas à l’abri des idées radicales et était menacée dans son existence. Il s’engagea donc dans le travail de mémoire auprès des jeunes et rejoignit le Groupe Mémoire dont il assuma la présidence après Arthur Haulot et André Wynen. Mais sentant ses forces décliner, il s’imposa de laisser une trace pour l’avenir.
Vrai dialogue intergénérationnel
Avec l’aide de l’historienne Claire Pahaut, engagée de longue date dans ce créneau mémoriel essentiel - elle prépare un livre sur les Dames de Ravensbrück -, P.P.Baeten y a associé ses trois enfants. Qui ont aussi pris la parole, ce qui nous ramène dans le présent. Comme le dit Claire Pahaut, "voilà un père qui n’a jamais pu parler de sa jeunesse perturbée à ses enfants, sauf lors d’un voyage dans les camps et qui les associe à son écriture. Nous avons vécu de grands moments d’émotion"… Avec, en outre, une initiation unique au vocabulaire des camps, à des cadrages dans l’histoire, des localisations géographiques. Mais aussi une manière rare pour celui qui n’est plus aujourd’hui, de sortir de sa réserve, de sa pudeur en septembre et octobre 2017. Et puis, brutalement, en deux semaines, Pieter Paul est décédé…
- Survivre comme Nacht und Nebel | Essai | Pieter Paul Baeten | Éditions Mammoet/EPO, 107 pp. Prix 20 €
