Découvrez Bruxelles et ses demeures de célébrités
Audrey Hepburn, Hergé, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Karl Marx, Barbara, Victor Horta, Marguerite Yourcenar…, tous ces grands noms de l’Histoire ont, à un moment de leur existence, vécu à Bruxelles. Dans le livre Bruxelles, demeures de célébrités, Hervé Gérard, historien et journaliste, nous emmène à la découverte d’une soixantaine de lieux.
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- Publié le 24-04-2021 à 18h19
- Mis à jour le 26-04-2021 à 10h50
Audrey Hepburn, Hergé, Victor Hugo, Alexandre Dumas, Karl Marx, Barbara, Victor Horta, Marguerite Yourcenar…, saviez-vous que ces grands noms de l’Histoire ont un point commun ? Ils ont tous, à un moment de leur existence, vécu à Bruxelles. Dans le livre Bruxelles, demeures de célébrités, paru en novembre dernier aux Éditions 180°, Hervé Gérard, historien et journaliste, nous emmène à la découverte d’une soixantaine de lieux (maisons, appartements, palais…), certains connus, d’autres beaucoup moins, ayant abrité dans la capitale des personnalités issues des mondes littéraire, politique, artistique, scientifique…
Très pratique et concis, ce petit ouvrage (102 pages richement illustrées par Quentin Heroguer) tombe à point nommé en ces temps de confinement et d’échappées belles restreintes puisqu’il convie ses lecteurs à cheminer dans Bruxelles et visiter ces adresses parfois cachées mais recelant de multiples trésors. On apprécie donc sa présentation sous forme de guide, chapitré par commune. À chaque personnalité est consacrée une page synthétisant des éléments biographiques, historiques et patrimoniaux où se glissent quelques anecdotes, tout en renseignant l’adresse précise des demeures.
“Bruxelles, demeures de célébrités”, Hervé Gérard, novembre 2020, 180° Éditions, 102pp., 15 euros. Plus d’infos sur www.180editions.com

“J’AI FAIT DES DÉCOUVERTES ABSOLUMENT ÉTONNANTES"
Historien, écrivain, journaliste, homme de radio et conférencier, Hervé Gérard nous livre les dessous de son nouvel ouvrage.
Qu’est-ce qui vous a mis la puce à l’oreille pour écrire “Bruxelles, demeures de célébrités” ?
C’est tout simplement en me baladant dans les rues de Bruxelles et en voyant des plaques apposées sur certaines façades. Je me suis dit : “Tiens, oui, tel personnage a habité là. On le connaît peut-être bien ou un peu moins.” S’il y a une plaque, c’est que, généralement, cette personnalité est née dans cette maison ou y a vécu assez longtemps. Ce qui m’a poussé à rédiger ce livre, c’est donc la curiosité de savoir et d’essayer de traduire auprès des lecteurs, de manière très courte, la vie de ces personnages qui se cachaient derrière ces façades.
Dans votre introduction, vous précisez que “partir à la découverte des maisons qui ont été habitées par des personnalités, c’est au départ ignorer qu’elles étaient si nombreuses”…
Oui. J’en ai retenu une soixantaine, mais j’aurais pu en retenir beaucoup plus. C’est donc un choix tout à fait subjectif. Mais j’ai quand même retenu des personnages qui titillent les oreilles des lecteurs. Il n’y a pas beaucoup d’illustres inconnus.
Qu’est-ce qui a guidé vos choix ?
Tout d’abord, j’ai essayé, dans la plupart des cas, que ces maisons soient encore existantes, même s’il y a quelques exceptions telles que le médecin André Vésale (1514-1564) pour lequel il y a deux endroits possibles. Ensuite, je me suis efforcé de trouver des habitations qui peuvent être visitées. Sur ce point, j’ai davantage privilégié certaines demeures pour leur côté remarquable plutôt que pour le personnage qui se cache derrière ces façades et qui est peut-être un peu moins connu.
Chaque descriptif tient sur une page. Cela a dû être un fameux exercice de synthèse, en particulier pour les personnages les plus illustres (Hergé, Jacques Brel, Victor Hugo…) ?
Oui, je ressens une grande frustration parce que j’ai l’impression d’avoir été bien incomplet. Quand on pense qu’il y a des biographies sur Brel qui font 700 pages. Victor Hugo, n’en parlons même pas. Des milliers de livres ont été écrits sur lui. Mais c’est le jeu. Il faut faire des choix.
Vous êtes un fin connaisseur de l’histoire bruxelloise. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris au cours de vos recherches ?
J’ai fait des découvertes absolument étonnantes. Par exemple, la plaque concernant Paul Deschanel (1855-1922), ancien président de la République française né à Schaerbeek, a été apposée sur la mauvaise maison. L’administration communale a tenu compte de la numérotation contemporaine, qui n’était pas la numérotation en vigueur à la fin du XIXe siècle, et elle s’est donc trompée de demeure. C’est une erreur colossale. C’est invraisemblable ! J’ai également été frappé par la façon dont on a laissé dépérir la maison du peintre Jacques-Louis David (1748-1825) qui se trouvait juste derrière la Monnaie et qui a été pendant 25 ou 30 ans un chancre épouvantable. Un scandale à deux pas de la Grand-Place ! C’était un cas typique de “bruxellisation” où on laissait dépérir les bâtiments pour essayer de construire du neuf et du laid. Fort heureusement, cette construction a été sauvée et classée. Elle a trouvé une nouvelle affectation en l’hôtel The Dominican. J’ai aussi été très étonné par Nupur Tron, une princesse indienne qui possède l’hôtel Frison, rue Lebeau à Bruxelles-Ville (cf. également p.8). Ce petit bout de femme extraordinaire a, pendant tout le confinement, décapé les murs pour récupérer toutes les fresques Art nouveau qui se trouvaient en-dessous. Autre personnage attachant, c’est Michel Robert, qui anime la Maison Béjart (ancienne demeure du célèbre danseur et chorégraphe, NdlR) et se bat envers et contre tout en cette période de pandémie pour la faire vivre.
Les 19 communes de Bruxelles ne se retrouvent pas toutes dans votre livre. Pourquoi ?
Pour la simple et bonne raison que je n’évoque que des personnages qui sont décédés et qu’à l’époque où ils vivaient, certaines communes n’étaient que des petits villages. Si je prends, par exemple, tous les exilés sous Napoléon III qui ont fui le régime impérial et se sont réfugiés à Bruxelles, à ce moment-là, Bruxelles, c’est Bruxelles-Ville, et il n’y a qu’Ixelles et Saint-Gilles qui commencent tout doucement à grandir. Le reste, ce ne sont que des petits villages qui sont complètement détachés de Bruxelles. Les communes de la première couronne sont donc plus gâtées dans mon livre, certaines localités de la seconde couronne ne s’étant développées qu’après la Seconde Guerre mondiale.
Vous évoquez une soixantaine de personnalités, mais on y compte un peu moins de dix femmes…
Effectivement et c’est très malheureux. L’Histoire a été très machiste jusqu’à la fin du XIXe siècle, jusqu’il y a même quelques années. Donc, évidemment, c’était difficile pour moi de trouver une femme au XVIIe siècle qui avait été médecin, par exemple, puisqu’il n’y en avait pas. Même au XIXe siècle, c’est triste à dire, mais il y a très peu de grandes romancières par rapport aux romanciers. Je ne pouvais donc pas les inventer. En revanche, à partir du début du XXe siècle, je parle de Marie Popelin (1846-1913) (juriste et féministe, NdlR), de Marguerite Yourcenar (1903-1987), d’Audrey Hepburn (1929-1993), de Barbara (1930-1998), etc.
Y a-t-il des personnalités dont vous auriez aimé parler et qui ne figurent pas dans votre ouvrage ?
Maurane, qui est une chanteuse que j’adore, aurait pu prendre sa place dans le livre. J’aurais bien aimé aussi parler de Baudelaire et Rimbaud, mais ils ont surtout vécu dans des hôtels et peut-être chez des habitants. Donc, à partir du moment où je n’étais pas sûr de trouver les bonnes sources, en tout cas pour m’indiquer les endroits où ils avaient réellement habité, ça n’avait aucun sens de les évoquer.
Seriez-vous tenté d’éditer un deuxième volume ?
Oui, c’est une possibilité. Je pourrais encore consacrer un livre à Bruxelles, avec des personnages vivants cette fois, mais en veillant à ne pas être intrusif. Nous avons également songé, pour autant que le succès soit au rendez-vous, à lancer une collection qui pourrait comprendre d’autres villes comme Liège, Namur ou Mons, qui comptent aussi des personnages extraordinaires. Je pense à Namur avec le peintre Félicien Rops. Donc, il y a de la matière.

DES MAISONS PEINTES À L'AQUARELLE
Né à Douai (France) en 1994, Quentin Heroguer vit à Bruxelles depuis sept ans. Et notre capitale, ce jeune illustrateur “l’adore”. “Je passe tout mon temps à la découvrir.” Alors, quand Robert Nahum, directeur de 180° Éditions, lui a proposé d’illustrer le nouveau livre d’Hervé Gérard, Bruxelles, demeures de célébrités, il n’a pas hésité une seconde. “J’ai eu carte blanche dans le choix des maisons que je souhaitais illustrer, raconte-t-il. J’ai lu le livre puis je suis allé voir les maisons et j’ai sélectionné celles qui me parlaient et qui étaient aussi à mes yeux le plus graphiquement intéressantes”. L’occasion pour lui de découvrir des joyaux architecturaux. “Puis, il y a des maisons devant lesquelles je passais et dont j’ignorais totalement qu’elles avaient abrité des célébrités comme la maison de Pieter Bruegel (rue Haute, 132 à Bruxelles-Ville, NdlR) qui se trouve à deux pas de chez moi, reprend-il. De même, c’est toujours un peu mystérieux ce qui se passe derrière les façades, comme celles de la Grand-Place. Et là, le livre relate plein d’histoires. C’est très intéressant”.
Aquarelliste, il trace d’abord son dessin au feutre noir avant de le remplir de couleur. “Le but est de rester fidèle à la réalité, comme une photo, explique-t-il. La liberté que j’ai avec l’aquarelle, c’est que s’il fait moche dehors, je peux un peu accentuer les couleurs pour que ce soit plus joli, les arbres, l’herbe,… Mais je ne vais pas peindre une façade en vert si elle est rouge”. Véritable touche-à-tout (BD, carnets de voyage, illustration, peinture), “autant sur papier que sur ordinateur”, Quentin Heroguer aime plus que tout “aller dessiner dans la rue et essayer de m’approprier le monde qui m’entoure avec mes pinceaux”. En cela, l’aquarelle est une technique qui “me permet de trouver plus de transparence et qui est plus poétique parce qu’il peut y avoir des accidents ou des vibrations dans la couleur”. De plus, “c’est une technique facile à transporter : je peux aller dans la rue avec ma boîte d’aquarelles, mon pot d’eau et mes pinceaux. Ça fait dix ans que j’en fais et chaque jour je découvre de nouvelles facettes de cette technique”.
Suivez l’actualité de Quentin Heroguer sur Instagram @quentinheroguer et sur son site https://quentinheroguer.com

TROIS DEMEURES DE CÉLÉBRITÉS
1. VICTOR HUGO
“On l’ignore généralement, mais Victor Hugo (1802-1885), avant d’y être contraint, avait déjà visité en simple touriste la Belgique, raconte, dans son livre, Hervé Gérard à propos du poète et romancier français, et avait décroché à l’encontre du jeune royaume quelques traits particulièrement cruels”. Cela ne l’empêche toutefois pas de repasser la frontière en 1851 et de s’installer au numéro 16 de la Grand-Place “dont il reconnaît l’imparable beauté”. Anecdote, “il y reçoit la visite de deux gendarmes l’invitant à se présenter devant le procureur pour usage de faux passeport. Il convaincra le magistrat de ne pas mener sa mission jusqu’à son terme”, rapporte encore Hervé Gérard. Fin janvier 1852, Hugo déménage au 26-27 Grand-Place dans la maison du Pigeon, “qui lui offre un appartement spacieux”. À partir de 1861, il reviendra chaque année en Belgique. “Le 30 juin 1861, à 8 h du matin, il met la dernière main aux Misérables. Les Misérables sortent en Belgique chez Lacroix, Verboeckhoven et Cie, et en France, un an plus tard.” Un immense banquet sera organisé par ses éditeurs belges à cette occasion.
2. VICTOR HORTA
Né à Gand en 1861, Victor Horta s’installe à Bruxelles dès 1878 et se forme à l’Académie des Beaux-Arts avant de partir deux ans à Paris. “Il achève ses études à Bruxelles tout en collaborant déjà avec Alphonse Balat qui avait dessiné les Serres royales de Laeken”, raconte Hervé Gérard.
“Chef de file incontestable de l’Art nouveau”, on lui doit notamment la maison Autrique à Schaerbeek ou encore l’hôtel Solvay avenue Louise. “Feue la Maison du Peuple, scandaleusement détruite dans les années 60, porte aussi la signature du maître bruxellois, commente encore l’historien, tout comme les hôtels de maître Hallet et van Eetvelde”. C’est également Victor Horta qui dessine les plans des grands magasins tels que l’Innovation, le Grand Bazar (les futures Galeries Anspach) et l’actuel Centre de la bande dessinée. Il s’attellera également à d’autres projets, dont il ne pourra voir leur construction achevée – il meurt en 1947 – comme la gare centrale et le Palais des Beaux-Arts (aujourd’hui Bozar) à Bruxelles.
Sis rue Américaine 25 à Saint-Gilles, sa maison et son atelier sont à présent un musée (www.hortamuseum.be), “qui a su conserver en grande partie la décoration d’origine tandis que le cabinet de travail évoque les créations des grands artistes et architectes qui ont animé l’Art nouveau”, conclut l’auteur.
3. JACQUES BREL
Au 138 avenue du Diamant à Schaerbeek, on peut lire sur la plaque commémorative posée sur la demeure natale du chanteur aux 25 millions de disques vendus : “Il est né Jacques Brel (1929-1978). Il a chanté le plat pays, les vieux, la tendresse, la mort, il a vécu sa vie et le poète vit encore”.
“Le grand Jacques a tant de cordes à son arc qu’on ne sait plus trop s’il fut chanteur, poète, réalisateur, écrivain, scénariste, compositeur, guitariste ou acteur, écrit Hervé Gérard. Et pour cause, il est tout cela”. De ses titres mémorables (Quand on n’a que l’amour, Ne me quitte pas, Le plat pays, La valse à mille temps…) à sa présence cinématographique (L’Homme de la Mancha…), l’historien et journaliste retrace la vie de Brel, rappelant que “comme bon nombre d’artistes, Brel tire le diable par la queue au début de sa carrière, arpentant les arrière-salles de café ou les cabarets à Bruxelles et Paris” avant de connaître le succès le hissant sur le même pied que Georges Brassens et Léo Ferré.
Atteint d’un cancer, il décède à l’âge de 49 ans en France, après avoir fait des Îles Marquises sa dernière demeure.
