Napoléon, maître de la propagande
Un essai éclairant et amusant, de Xavier Mauduit qui confronte les deux faces de l’empereur.
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Publié le 27-04-2021 à 13h08 - Mis à jour le 18-05-2021 à 10h11
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Les spectateurs du magazine 28 minutes, chaque soir sur Arte, connaissent bien Xavier Mauduit qui termine l’émission par une capsule historique, une anecdote qu’il lie à l’actualité du jour, avec malice, un rien déjanté. Ceux qui écoutent France Culture l’entendent dans Le Cours de l ’ Histoire, qui du lundi au vendredi, à 9 heures, a l’ambition de réinventer le traitement de l’Histoire. Docteur en Histoire, il est aussi (lui aussi !) spécialiste de Napoléon auquel il a déjà consacré plusieurs ouvrages.
Pour le bicentenaire de la mort de l’Empereur, il publie chez Autrement une nouvelle édition de L’Homme qui voulait tout qu’il avait sorti en 2015 pour le bicentenaire de Waterloo.
Un ouvrage de plus ? Certes, mais non seulement agréable à lire et très clair, mais aussi un essai qui adopte un point de vue intéressant : confronter la vie et le règne de Napoléon à sa légende dorée autant qu’à sa légende noire et voir le rôle clé que jouèrent le faste et la propagande dans lesquels Napoléon fut un maître.
Comme l’éclair
Les anecdotes y sont légion. On ne peut ici qu’en donner un apéritif. Xavier Mauduit (en photo ci-dessous) explique, par exemple, comment Bonaparte exploita la campagne d’Italie à son avantage, s’attirant l’attachement de ses soldats. Il ne renvoya au Directoire qu’une partie de l’argent saisi et finança ses propres journaux tout à sa gloire comme Le Courrier de l’armée d’Italie ou le patriote français à Milan. On y lisait des phrases comme "Bonaparte vole comme l’éclair et frappe comme la foudre. Il sait tout et voit tout." Chef de guerre, il se montre dans ses journaux tout autant administrateur, négociateur doué et amateur d’art. Il se donne d’emblée une image qui dépasse celle dans laquelle se cantonnent les autres généraux de la République.

Il refit le coup lors de la Campagne d’Égypte créant sa presse de propagande avec Le Courrier de l’Égypte avant, plus tard, de museler la presse libre. Cela lui permet d’étouffer les questions sur le sort des prisonniers turcs malades de la peste et qu’il aurait fait empoisonner, préférant se faire peindre plus tard par Gros comme le général courageux, proche de ses soldats venant toucher la main des malades de Jaffa. Mauduit raconte que pour tromper l’ennui en Égypte, Bonaparte jouait aux cartes et trichait !
On sait comment il a veillé à se faire représenter aussi franchissant le Grand Saint-Bernard, calme sur un cheval fougueux alors qu’en réalité il l’a fait à dos de mule, emmitouflé dans une redingote. L’art faisait partie de sa propagande.
Modeste costume
Si Napoléon a veillé au faste pour impressionner et montrer qu’il renouait avec les grands empires d’antan et s’il œuvra sans cesse à étendre ses réseaux auprès de tous ceux qui comptaient, il aimait apparaître comme le défenseur des valeurs de la Révolution et comme un homme resté proche du peuple. Un témoin de son entrée à Berlin raconta qu’il était "fier dans son modeste costume, avec son petit chapeau et sa cocarde d’un sou. Son état-major avait le grand uniforme, et c’était curieux pour des étrangers de voir le plus mal habillé maître d’une si belle armée".
Le faste servait de décor à la mise en scène de sa propre personne, parfois pour se présenter humble au milieu de l’apparat. Encore simple général, Bonaparte aurait répondu à une manifestante qu’il suffisait de voir les différences entre elle, bien en chair, et lui, maigre avec un costume élimé, pour s’assurer de ses vertus.
Xavier Mauduit évoque la persistance du mythe, dans la littérature, la musique (Serge Lama), le cinéma (Abel Gance), etc., pour conclure par une phrase de La foire aux cancres évoquant un élève qui écrivit : "Napoléon mourut dans les bras de Sainte Hélène" et celle d’un roman de Queneau paru en 1952 : "Faire tant d’histoires pour mourir à Sainte-Hélène, faut être con."
- Xavier Mauduit | L’homme qui voulait tout. Napoléon, le faste et la propagande | essai | Autrement | 336 pp., 20 €, version numérique 15 €