Napoléon et sa cape de Batman, un personnage iconographique
Roman graphique pour adolescents et adultes, «Moi Napoléon» mêle les genres. Entre BD, récit et pleines pages d’illustrations. Un bel objet livre.
Publié le 05-05-2021 à 10h19 - Mis à jour le 20-08-2021 à 16h22
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Sur tous les fronts, une habitude chez lui, Napoléon, décédé voici deux cents ans, le 5 mai 2021, inspire, comme on aura pu le constater, de nombreux auteurs, historiens, essayistes, poètes ou romanciers.
Pierre supplémentaire à l'édifice, roman graphique et hybride de très belle facture, qui alterne entre illustrations et plages de bande dessinée, Moi Napoléon évoque aussi les comics sombres américains tant Bonaparte revêt, avec son bicorne de travers et son manteau capote au vent, des allures de super-héros. Spécialiste de la communication avant l'heure, l'Empereur gérait son image de marque et continue à nourrir autant d'imaginaires que de controverses. Tyran sanguinaire, grand stratège, véritable homme d'État ou constitutionnaliste influent, il fait couler autant d'encre que de sang et noircit aujourd'hui 140 pages à épais grammage d'un ouvrage qui s'adresse tant aux adolescents qu'aux adultes et se lit, illustrations à l'appui, comme un journal intime, un Mémorial de Sainte-Hélène revisité.
L'ouvrage s'ouvre sur cet exil, précisément, où l'on voit Napoléon au soir de sa vie, rongé par la maladie et l'amertume, dans cette maison rustique battue par les vents du large. Il se souvient de sa Corse natale, de Paris, de Joséphine de Beauharnais, de Trafalgar, Austerlitz, Elbe et Waterloo.
«J'ai chevauché à travers tant de plaines et de vallées» lit-on d'entame dans cette confession intime, entre ombre et lumière, qui raconte aussi l'enfant corse assoiffé de revanche, le pensionnaire de l'École militaire de Brienne, le sous-lieutenant parisien, l'amoureux transi, le conquérant et bien sûr l'Empereur. Documenté, précis, sans pour autant noyer le lecteur dans de trop nombreux détails, validé par Thierry Lentz, Directeur de la Fondation Napoléon, qui en signe la préface, le livre se veut instructif et accessible.

Il affiche, par ailleurs et par ce choix de narration à la première personne, un parti pris subjectif assumé par l'auteur et journaliste spécialisé en Histoire, Vincent Mottez: «On imagine Napoléon qui essaye d'écrire sa propre légende, mais nous avons travaillé à partir d'avis objectifs». Pas un mot, cependant, sur l'esclavage rétabli par Napoléon Bonaparte en 1802. «Cette question est agitée comme une marotte politique. Il a certes commis une erreur et s'est laissé convaincre pour des raisons économiques. L'esclavage était très répandu à l'époque. Napoléon a de toute façon toujours fait l'objet de controverses. Déjà de son vivant, il était entre deux feux. Les royalistes le détestaient et les républicains le considéraient comme le fossoyeur de la révolution avec le coup d'État du 18 brumaire.»
L'objectif n'est donc pas d'aiguiser l'esprit critique du lecteur mais «de faire redécouvrir l'histoire de l'Europe avec une forme graphique originale en reprenant les codes actuels.»

Héros graphique
Côté visuels, entre plages cinématographiques, scènes de bataille à la Cecil B. DeMille et cases de BD tourmentées, dans des bichromies sombres et choisies, Moi Napoléon offre un univers graphique intéressant et prégnant qui emmène le lecteur dans une alternance de cruauté et de nostalgie, avec d'elliptiques vues d'un Napoléon tourné vers l'horizon.
«Ce projet part d'une application, créée voici cinq ans, avec la voix de Francis Huster. Puis l'envie est venue d'en faire un livre parce que Napoléon a tout du héros graphique, C'était déjà le premier à porter son bicorne de travers pour se distinguer sur le champ de bataille. Il a une silhouette identifiable avec sa cape qui vole au vent. C'est une icône qui rappelle un peu Batman et Superman. J'ai donc mêlé les codes du comics, ceux de la BD contemporaine et les références du street art» nous dit l'illustrateur Bruno Wennagel, qui alterne entre les pages nourries de détails et d'autres très épurées. Pour dessiner Napoléon, dont le visage s'empâte au fil des ans, il s'est inspiré de nombreuses photos. Il a également reconstitué des scènes de bataille en demandant à des modèles de poser pour s'approcher au mieux de la réalité et donner chair et vie à ce récit pluriel et singulier. Qui ouvre, en outre, une nouvelle collection historique pour adolescents et adultes chez Unique héritage éditions. Où on pourrait voir se profiler le nez de Cléopâtre, autre figure emblématique de l'Histoire.
Moi Napoléon, Vincent Mottez et Bruno Wennagel, Unique héritage éditions, 140 pp. 22,90 €. Dès 15 ans.