Aimer les femmes. Et les hommes
Héléna Marienské attachée à se révéler dans ses vies multiples, impudiques, scandaleuses, extravagantes…
- Publié le 17-08-2021 à 12h25
- Mis à jour le 20-08-2021 à 16h06
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La vérité. Toute la vérité. Rien que la vérité… Voilà le projet avoué qui sous-tend le dernier livre de Héléna Marienské, le premier, Rhésus, paru en 2006, ayant été aussitôt gratifié de plusieurs prix dont celui du magazine Lire. Mais peut-on croire une romancière dont le métier d'écriture se prend volontiers à colorer les petites et grandes choses de la vie ? En l'occurrence, c'est la sienne de vie que met en scène l'auteure de Presque toutes les femmes. Refusant les mensonges derrière lesquels elle s'était, jusque-là, préservée, elle entend cette fois se livrer, telle qu'elle-même, sans rien édulcorer. Ni exagérer. Avec une détermination affichée à s'ancrer aux deux libertés qui fondent son existence : écrire et aimer les femmes. Aimer les hommes aussi, puisque mariée au plus charmant, intelligent et compréhensif d'entre eux avec lequel elle a deux filles. Lesbienne donc. Bi aussi. Et cette dualité fait des remous au sein des débats animés du monde homosexuel qui l'en condamne sans ménagement.
Choquant
Elles s'appellent Albertine, Coline, Ange, Diva, Lilas, Venise, Shane… Ernestine la bonne si gentille à qui elle enjoint à six ans : "Ne me donne jamais d'ordre", Michelangeli la psy qui lui conseille plus de stabilité ou Mamée qui ne la grondait jamais… Elles passent, repassent, dépassent, surpassent… Elles les aiment. Rencontrées au hasard ou inscrites au clan familial, elles participent de ses désirs, de ses bonheurs, ses déceptions et autres mal-être lui offrant de "vivre le plus de vies possible". Et elle en a beaucoup de ces vies multiples, extravagantes, scandaleuses quand elles ne sont pas rocambolesques. Et elle en a beaucoup des femmes désirées, jalousées, obscènes, rêvées… qui la révèlent à elle-même. Et, même si elle s'octroie quelques épisodes tendres ou émouvants, elle y va cru, choquant, provocant, irritant, pour les raconter en séquences d'une sexualité qui frise souvent la pornographie. On ne lit pas son "exploration autobiographique" construite comme autant de facettes d'un portrait tout de même très narcissique sans éprouver un malaise qu'elle anticipe d'ailleurs, lui prévoyant "un accueil gêné". On lui reconnaît d'être intuitive.
Hétéroclite
Héléna Marienské qui s'appelle en réalité Nathalie Galan a enlevé le masque. Elle refuse l'image d'enfant heureuse, d'adolescente heureuse, de femme heureuse, de romancière heureuse qu'elle a, jusqu'ici, cultivée derrière un sourire acquis, dès l'enfance, pour répondre à l'injonction maternelle de se défendre avant que de pleurer. Entre les apprentissages familiaux, les tyrannies de l'écriture, l'épreuve d'un tournage cinématographique nébuleux, son engagement dans le Collaro show, sa participation dominatrice à une relation sado-masochiste et à tant d'autres choses piquantes, déterminantes ou cruelles, elle a aussi obtenu un diplôme de Lettres à la Sorbonne. Ça lui fait quelques références et un bagage assez hétéroclite exhibé sans retenue - ne préservant que "les secrètes" et ses filles - à travers une écriture licencieuse, audacieuse, impétueuse, culottée et déculottée à la fois. La pudeur existe-t-elle encore ? Si vous en cultivez quelques pousses, mieux vaut s'abstenir.
- * Héléna Marienské | Presque toutes les femmes | Flammarion, 465 pp. 22 €, version numérique 15 €