La révolte des animaux a-t-elle sonné ?
Une fable réjouissante et cinglante sur la réponse rêvée des animaux à nos folies destructrices.
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Publié le 02-12-2021 à 17h32 - Mis à jour le 02-12-2021 à 17h35
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On en rêve ! Et si les animaux ulcérés de voir les dégâts commis par l’homme sur leurs congénères exterminés par milliards se révoltaient pour dénoncer et punir leur plus grand prédateur, celui qui a oublié qu’il était aussi un animal dépendant de la même Terre ?
Un écrivain italien sous le pseudonyme de Filelfo, emprunté à un philosophe de la Renaissance, l'a fait. D'abord dans un feuilleton à succès dans la Repubblica, puis dans un livre publié aujourd'hui en français.
Il prend comme point de départ de sa fable, les catastrophes écologiques qui s’enchaînent, à commencer par les immenses feux de forêts qui ont ravagé l’Australie en janvier 2020, détruisant des milieux naturels et tuant des milliers d’animaux. Le roman est dédié au premier koala né en mai 2020, après les incendies.
Dénoncer la faute de l'homme
L’extinction des espèces, le réchauffement climatique, la pandémie du coronavirus (la chauve-souris et le pangolin sont invités dans le roman) sont aussi à l’ordre du jour et amènent les animaux du monde entier à se réunir. Ils ne l’avaient plus fait quasi depuis le Déluge, mais tous connaissent le lieu pour tenir leur Assemblée générale exceptionnelle. Le corbeau leur rappelle le chemin.
Chaque espèce à son tour vient dénoncer la faute de l’homme dans ce qui lui arrive : la baleine, le lion, le dauphin, l’aigle,… Les souris qui côtoient les hommes depuis si longtemps et subissent leurs pièges, proposent en châtiment de lancer une pandémie mondiale ! Les chiens et les chats, suspectés d’être des collabos des humains, tentent une médiation.
L’Assemblée doit décider s’il faut sauver la planète et alors comment arrêter sa destruction par l’homme. Comme dans les fables de La Fontaine, les animaux nous donnent des leçons si on veut bien les entendre.
Exercice vertigineux
La richesse du livre (mais aussi parfois sa complication) réside dans l’exercice vertigineux qu’a réalisé l’écrivain : les propos des animaux sont très souvent des citations de philosophes, romanciers ou de grands textes religieux du passé. Cela donne au roman une forte écriture et un grand souffle prophétique. Chaque apport est référencé en fin de livre. Et on peut s’amuser à découvrir d’où viennent les phrases reprises par Filelfo. Mais n’abusez pas de ces notes car à trop les lire, on coupe le fil du récit.
Filelfo s'inspire par exemple de Desmond Morris et d'Empédocle dans cette belle envolée sur l'homme : "Ce singe nu était condamné à une activité illusoire et myope de planification et de prévision qui ne servait rien d'autre que ses désirs momentanés et individuels, coupés de l'unique grande palpitation de désir vers où tend le cycle de la nature dans lequel chaque chose meurt d'amour pour une autre."
Via les animaux, Filelfo cite tout autant Jung ("seul l'homme est extravagant") ou l'Ecclésiaste ("mieux vaut un chien vivant qu'un lion mort"), que Shakespeare, Homère et les Évangiles ( au commencement était le cri, et le cri c'est moi").
- ★ ★ Filelfo | L'Assemblée des animaux | roman | traduit de l'italien par Béatrice Vierne | Arthaud | 224 pp., 16 €, version numérique 12 €
EXTRAIT
« La vérité, lui rétorqua la souris, c’est que, féline ingrate et soumise, tu es furieuse comme tous ceux de ta race, à la seule idée qu’avec l’écroulement du monde humain tes privilèges millénaires vont s’évanouir. Vous autres chats, vous êtes de vrais parasites. Tout comme les chiens que vous prétendez ne pas pouvoir supporter et avec qui vous vous partagez au contraire comme une aumône l’amour des êtres humains. »