Un vent du Nord souffle sur la BD

Joyeusetés loufoques grâce à Øyvind Torseter et raffinement oriental du Clan des Otori

Un vent du Nord souffle sur la BD
©Øyvind Torseter,

De la plus souriante à la plus envoûtante, la bande dessinée pour enfants ou jeunes adolescents, amateurs, c’est bien connu, dès 7 ans, voire bien avant, se diversifie, emmenant ses lecteurs du Nord à l’empire du Soleil Levant, en passant par nos contrées occidentalisées. Où rien, semble-t-il, ne vaut un week-end chez Mamie René et Papi René, surtout lorsqu’il s’agit de s’y rendre avec sa baby-sitteuse. L’aventure de Un week-end avec ma baby-sitteuse commence dès lors dans le TGV…

Très en verve, Jacquotte, la poulette vend bien l’article – potager géant et complètement bio – à Sheila, sa pouliche baby-sitteuse qui n’a pas oublié son huile de bronzage et rêve déjà à la robe rouge glamour qu’elle pourra acheter grâce à l’argent gagné durant ce court séjour au vert.

Le décalage s’inscrit d’emblée entre les deux voyageuses. La poulette se réjouit de recevoir un livre bio de ses grands-parents tandis que Sheila, installée dans son transat au fond du jardin, cherche désespérément du réseau.

Toilettes sèches, compost, déguisement à base d’abat-jour recyclé ou de vieux tissus rapiécés et balades en forêt sont les activités préférées de la fillette à l’empreinte écologique irréprochable pendant que la pouliche se vernit les ongles et se languit de son Denis au point d’envisager une expédition qui pourrait les mettre dans une situation délicate. Jusqu’à ce que deux chevaux ayant retrouvé leur liberté, la nudité et la marche à quatre pattes les tirent de ce mauvais pas.

Emplie de joie et de contrastes, cette bande dessinée pour les petits d’Alice Bunel montre comment deux caractères opposés peuvent se rejoindre et fait, au passage, l’apologie de l’écologie malgré un soupçon d’ironie à l’endroit du parfait bobo.

La pin-up citadine, à l’image de jeunes femmes survoltées, équipées de téléphones portables, auxquelles l’artiste nous a habitués dans ses fanzines, n’est pas épargnée non plus dans cette appétissante tranche de vie.

Lisible et tonique, voilà une BD qui privilégie les gros plans et croque les clichés à pleines dents.

Un mulosaurus très loufoque

Tonalité très différente et plus graphique chez Øyvind Torseter, l'un des illustrateurs les plus en vue en Norvège, qui nous revient, dans Mulosaurus, avec un nouvel opus de Tête de Mule.

Il engage cette fois le lecteur dans une atmosphère particulière pour une aventure d’enfance à travers des cases aux couleurs passées, un tempo pausé et un dessin d’une clarté appropriée.

Un vent du Nord souffle sur la BD
©Øyvind Torseter

Tête de Mule se trouve un boulot d’expert en dinosaure au Musée d’Histoire naturelle. Bel exploit, si ce n’est qu’il va devoir assurer et garantir la belle réputation du musée s’il veut rester conservateur dans ce monde impitoyable. Il décide alors d’inventer un dinosaure qu’il construit à partir d’un mélange de balais et de vieux os. La presse ne s’y trompe pas et descend l’expo en flèche. Jusqu’à ce que notre ami croise un président en mal de pétrole, à la trompe – ou trump ? – imposante. Seul un dinosaure pourrait aider le Président selon le pompiste. Il en existerait un dernier spécimen au fin fond de la jungle. Et voici nos deux compères en route pour une expédition, à la manière d’Indiana Jones à Jurrassic Park, qui ne manquera ni de surprises ni de dangers.

Parodie du pouvoir et de l’ambition humaine, l’album de Øyvind Torseter laisse aussi une belle place à l’absurde qui fait le sel de ses récits et propose une ouverture culturelle intéressante.

La suite du Clan des Otori

De leur côté, Stéphane Melchior et Benjamin Bachelier – tous deux remarqués pour leur adaptation de Gatsby le magnifique –, poursuivent dans Le Clan des Otori. Le Silence du rossignol, l'adaptation en bande dessinée du Clan des Otori de Lian Hearn (Gallimard), épopée époustouflante traduite dans 42 langues et vendue à plus de quatre millions d'exemplaires.

Derrière la lutte des clans des Trois Pays, inscrite dans le Japon médiéval en perpétuel climat de guerre qui a vu naître la caste des samouraïs, se profile une impossible et incandescente histoire d’amour entre deux jeunes que tout sépare et qui pourtant s’uniront comme le ying et le yang, l’obscurité et la lumière, la paix et la guerre, la féminité et la masculinité.

Fidèle à la plume claire et ciselée de l’autrice, le texte de l’historien de l’art français Stéphane Melchior, qui a dû faire preuve de synthèse et assumer certains choix, livre la substantifique moëlle du récit et ose se centrer sur l’histoire d’amour entre Kaede, dont il n’occulte pas la part féministe, et Takeo, sauvé du massacre des siens par Otori Shigeru. Son compatriote, Benjamin Bachelier traduit, lui, à merveille la délicatesse du Japon médiéval, l’importance de l’art, des arts martiaux et des négocations. Mouvements, émotion et non-dits illuminent les pages ligne claire de l’artiste. Une somptueuse adaptation qui retient toute notre attention.

★★★ Un week-end avec ma baby-sitteuse BD De Alice Bunel, L’école des loisirs, 87 pp. Prix 13,50 €. Dès 5 ans.

★★★ Mulosaurus BD De Øyvind Torseter, traduit du norvégien par Aude Pasquier, La joie de lire, 104 pp. Prix 24,90 €. Dès 7 ans.

★★★★ Le Clan des Otori. Le Silence du rossignol. Tome 2.  BD De Stéphane Melchior et Benjamin Bachelier d’après Lian Hearn, Gallimard bande dessinée, 96 pp. Prix 17,80 €. Dès 10 ans.

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