"Les narcisses blancs": les chemins de soi
La force d’une rencontre improbable dans la lumière des narcisses blancs.
Publié le 08-12-2021 à 13h06 - Mis à jour le 08-12-2021 à 13h41
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Un tracé d'itinéraire sur une carte trouvée dans un tram convainc Gaëlle de quitter le copain et un destin dont elle ne veut plus pour partir à la découverte de la liberté à travers villes et forêts qu'elle ne connaît pas. Sur ce double point de départ, Sylvie Wojcik publie un roman - le deuxième après Le chemin de Santa Lucia paru en 2020 - au titre aussi charmant et poétique que l'est son livre lui-même. Il apparaît, en outre, dans Les narcisses blancs que les chemins l'inspirent puisque c'est celui de Compostelle qui est cette fois en filigrane de l'histoire.
Gaëlle entend vivre seule son aventure sans se lier avec personne. Elle veut se griser à sa guise de parfums et de sensations inédites. Pourvue du peu d'argent qu'elle possède, volé à une vieille parce qu'elle n'aime pas les vieux, elle aboutit rapidement dans une bâtisse où une femme s'occupe à faire mijoter le plat du soir avant de s'en aller retrouver mari et enfants. Elle y rencontre également Jeanne au souffle fragile sous ses cheveux gris-blancs. Très différentes, elles vont toutefois, à la suite d'un violent orage les surprenant à ramasser du bois, se rapprocher autour d'un "petit remontant" et d'une partie de Scrabble. Quittant ce gîte d'une nuit, elles partent ensemble, entamant chacune à son rythme et sans se parler, la seule route qui s'offre à elles : celle de Saint Jacques.
Liens qui tissent
Jeanne, malade, marche pour vivre. Gaëlle, cabossée par la vie, pour oublier. En dépit de leurs attentes personnelles, quelque chose de ténu se glisse entre elles qui les empêchera de se quitter.
Le livre raconte les liens que tisse, entre ces deux êtres, leur marche vagabonde dans la magie d’une nature préservée. Il évoque les rencontres qu’elles font ensemble ou séparément, leurs fêtes partagées, leur volonté de ne pas s’obliger et de laisser chacune faire ce qu’elle veut sans en référer à l’autre. Si la jalousie s’en mêle parfois, elle ne les désunit pas. La plus jeune s’inquiète pour l’aînée qui dissimule mal une boîte de médicaments où elle puise quotidiennement.
Paysages de l’Aubrac
Dans les paysages de l’Aubrac où elles font halte, l’une trouve la sérénité en s’ébrouant dans les champs de narcisses blancs qui la ragaillardissent tandis que l’autre découvre la boussole de son existence au contact de la nature et des êtres qui y vivent, lui faisant cadeau de leur confiance. Elles savent désormais qu’elles ne veulent plus du monde d’avant, superficiel, désinvolte, où l’argent masque les vraies valeurs de la vie.
De la traversée d’une nature intransigeante mais ensorcelante, d’une rencontre improbable et d’une quête intime, Sylvie Wojcik a écrit un livre court, simple, intérieur et délicatement tonique.
- ★ ★ Sylvie Wojcik | Les narcisses blancs | Roman | Arléa, 108 pp., 16€