Livre jeunesse : les mamies grandes gagnantes au Prix Versele
Beau succès pour le prix Versele avec 38 000 votants, cette année ! Les enfants ont voté et ce sont les mamies déjantées qui ont remporté le suffrage au prix Versele, en catégorie Une chouette. L'amour des mots, l'hypocrisie de certains adultes et la qualité des illustrations ont aussi retenu leur attention.
- Publié le 01-06-2022 à 10h52
- Mis à jour le 01-06-2022 à 12h13
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Très bonne nouvelle. A l’heure où la plupart des secteurs culturels continuent à souffrir des conséquences de la crise du covid, le livre, et en particulier le livre jeunesse, continue à bien se porter. La preuve par cette belle participation au Prix Versele, dans des conditions pourtant plus difficiles et par cette augmentation de nombre de participants ces trois dernières années : 24.000, 34.000, puis cette année plus de 38.000… Bel essor ppur ce prix depuis l’année 2020, même s’il a autrefois dépassé les 50 000 enfants votants !
"Le Covid avait compliqué énormément la circulation des livres et l'entrée des volontaires au sein des écoles. Mais le réseau du prix Versele est extraordinaire. Grâce à lui, les enfants ont pu à nouveau voter en grand nombre ! Quelle résilience, nous sommes ravies !" , explique Hélène Désirant, responsable du prix Versele en ce premier juin, date traditionnelle de la divulgation de résultats très attendus.
Le prix Versele est un label de qualité pour les parents et enseignants qui ne savant pas toujours à quel loup se vouer dans cette forêt dense et foisonnante que représente la littérature jeunesse.
Divisé en 5 chouettes selon l’âge des enfants, le prix sert littéralement de balise et donne souvent une nouvelle vie à un album paru deux ans plus tôt. Puisqu’il faut un certain temps pour qu’il arrive aux jeunes lecteurs, après une présélection de bénévoles de la Ligue des familles.
Il est surtout particulièrement apprécié par les autrices, auteurs, illustratrices et illustrateurs , qui pour une fois, sont jugés, et récompensés, par ceux pour qui ils écrivent.
Les lauréats sont:
- En 1 chouette (dès 3 ans)
Mamie, ça suffit ! de Marie Colot et Françoise Rogier (À pas de loups)
Il est des jours, décidément, où les mamies exagèrent. Autant avertir leurs petits-enfants, persuadés que leur grand-mère, parce qu’elle a des cheveux grisonnants, voire carrément blancs, quelques rondeurs et un passé bien ancré, s’est rangée du côté de la sagesse. Vaste blague en réalité, si l’on en croit le récit corsé de Marie Colot et de Françoise Rogier, paru aux éditions A pas de loups, jeune maison belge connue pour sortir elle aussi du rang et qui associe ici deux de nos grands talents.
La patte de Françoise Rogier, graphiste de formation, qui aime donner relief et profondeur à ses images, a d'emblée retenu l'attention avec un premier album, C'est pour mieux te manger (Poisson soluble, en 2012).
Elle privilégie volontiers la carte à gratter, soit une carte noire que l’on gratte avec un stylet pour y tracer des dessins blancs.
Cette technique convient, par exemple, parfaitement pour illustrer l'univers sombre et cruel des contes, comme on a pu le voir dans son très bel album Les contes de A à Z (A pas de loups, 2014). "Son aspect évoque la gravure, ce qui, selon moi, établit un lien avec Gustave Doré, grand illustrateur du XIXe siècle" explique l'artiste.
Cette fois, Françoise Rogier illustre le premier album de Marie Colot (également prix Farniente grâce à " Deux secondes en moins ", Magnard jeunesse, 2018), un roman très touchant pour adolescents.
Grande admiratrice du travail de l’illustratrice, l’autrice montoise lui a demandé d’illustrer son premier récit pour les plus jeunes.
"On s'est beaucoup vues toutes les trois. Cela a été un vrai travail d'équipe, et l'alchimie a tellement bien pris entre les deux artistes qu'elles travaillent déjà ensemble pour un nouvel album" , nous confiait l'éditrice Laurence Nobécourt lors de la parution du livre.
Très convaincant, le résultat de cette collaboration fructueuse offre aux enfants un album mordant et bien vivant. Un livre, qui plus est, 100 pc circuit court.
D’une écriture plus resserrée qu’en littérature adolescente, Marie Colot a trouvé le juste ton pour cette histoire de mamie ingérable, qui vient garder son petit fils pendant que ses parents sont de sortie. Mais le garçon voit cela d’un très mauvais œil, d’autant qu’elle se goinfre de bonbons, sans partager, joue aux jeux vidéo de son petit-fils, aux fléchettes et avec son doudou. Pire, elle n’écoute absolument rien, prend sa soupe pour un ouragan, le four pour un feu de camp et le lit pour un trampoline.
Autant écrire que la soirée tourne rapidement au fiasco dans ce livre délicieusement insolent, qui va crescendo, et fait preuve d’une belle vitalité. Originales, personnelles et variées, les illustrations de Françoise Rogier contribuent à sa joyeuse singularité.
Label
Un renard : un livre à compter haletant de Kate Read (Kaléidoscope)
- 2 chouettes (dès 5 ans)

Oscar et Carrosse : la soupe de pâtes de Ludovic Lecomte et Irène Bonacina (L'école des loisirs/coll. Moucheron : je peux lire !)
La qualité de ce livre tient notamment aux illustrations d'Irène Bonacina, déjà récompensée par le prix Versele en 2017 pour Cinq minutes et des sablés. L'histoire, bien amenée, accompagne les progrès en lecture du chien Carrosse qui font écho à ceux des jeunes lecteurs et lectrices. Qui parmi eux ne s'est pas amusé à former des mots avec des lettres de pâtes ?
La langue est parfois rimée et se prête à la lecture à haute voix. S'y ajoute l'apprentissage de l'amitié entre deux personnages que tout sépare puisqu'Oscar est un squelette tout en os qui a peur… des chiens ! Au final, une belle histoire de complicité improbable qui sonne juste.
Label
Julia à la plage de Matt Myers (Le Genévrier/Est-Ouest)
- 3 chouettes (dès 7 ans)
Les Adultes ne font jamais ça de Davide Cali et Benjamin Chaud (Hélium)

Ils ne crient pas, ne pleurent pas, ne trichent pas, ne boudent pas… Les adultes sont parfaits ! La couverture donne immédiatement le principe de l'album : alors que le titre surprend avec une assertion péremptoire, l'illustration "dit" exactement le contraire par un spectaculaire comique de situation. Un contraste texte-image repris à chaque page de ce catalogue impertinent, résumant le grand écart fréquent entre certains principes éducatifs et ce qu'en font les adultes. Des enfants, dissimulés ici et là, observent, parfois effarés, souvent surpris, goguenards ou réprobateurs, ces adultes si… différents.
L'humour est cultivé depuis longtemps et sous de nombreuses formes par Davide Cali, toujours avec un sens aigu du tempo. Les scénettes et surtout les personnages sont croqués avec la fantaisie et le panache inimitables de Benjamin Chaud.
Le grand serpent d'Adrien Parlange (Albin Michel Jeunesse/coll. Trapèze)
- 4 chouettes (dès 9 ans)
Yukio, l'enfant des vagues de Jean-Baptiste Del Amo et Karine Daisay (Gallimard Jeunesse)

Inspirée des légendes traditionnelles japonaises et par le thème de la métamorphose, cette narration poétique est, tel un conte, écrite au passé. Del Amo, écrivain et défenseur de la cause animale, raconte la rencontre entre un écrivain sans inspiration et une mystérieuse femme sur une plage. Un vieillard, M. Nakamura, lèvera le mystère de sa présence. Il y a longtemps, son fils Yukio a rejoint peu à peu sa vraie nature : nager avec les tortues, devenir poisson volant.
Le personnage de la maman, protecteur et intuitif, accueille avec amour la destinée de son fils, sa volonté d'être soi, mais vit aussi la mélancolie de sa perte sur terre. La célébration des paysages de l'île et de ses profondeurs marines est superbe. La magie opère entre le style imagé de l'auteur, le surnaturel du récit et la délicatesse des collages dans des bleu vert tout en fraîcheur. Les enfants ont adhéré à cette invitation à découvrir un pan original et délicat de la culture japonaise.
Label
L'incroyable histoire du homard qui sauva sa carapace de Thomas Gerbeaux et Pauline Kerleroux (La joie de lire)
- 5 chouettes (dès 11 ans)

Masca. Manuel de survie en cas d'apocalypse d'Erik L'Homme et Éloïse Scherrer (Gallimard Jeunesse)
Les romans graphiques ont la cote. Ainsi que le survivalisme. Le jeune Justin, livré à lui-même dans une ville dévastée par un cataclysme, raconte son périple dans une forêt, puis en montagne, pour retrouver sa famille. Avec humour, il se crée des alliés imaginaires : le guerrier Björn et Wilson, le chien un peu moisi, qu'il dessine dans le carnet de ses aventures.
Dans ces crayonnés nerveux en orange, crayonnés avec un semblant de dessins faits à la va-vite comme des instantanés d'un journal de bord, Éloïse Scherrer fait preuve d'une vraie maîtrise de la narration visuelle. Dynamique et originale, celle-ci offre une respiration au texte, qu'ont apprécié les apprenti·es lecteurs et lectrices. L'ouvrage permet également d'aborder avec ses enfants les peurs qui les habiteraient. Le dossier final avec les techniques de survie en forêt est assurément un boni inspirant.
Label
L'affaire méchant loup de Marie-Sabine Roger et Marjolaine Leray (Seuil Jeunesse)