Le chagrin d’enfance de Berta Hansson, grande peintre expressionniste suédoise, dont la mère meurt de la tuberculose
Confrontée très tôt à la phtisie de sa mère, la jeune Berta deviendra une grande peintre expressionniste suédoise.
Publié le 08-06-2022 à 16h26
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Derrière chaque artiste se cache une fêlure d’enfance. Berta Hansson (1910-1994), grande peintre expressionniste suédoise n’aurait pas démenti cette assertion, elle qui fut confrontée toute petite, à la tuberculose de sa mère, la phtisie, comme on l’appelait encore à l’époque. Très courante en Suède, cette maladie touchait particulièrement les personnes issues de couches défavorisées, notamment les familles du nord du pays, comme celle de Berta, des familles mal logées dans des lieux exigus.
L'enfance de cette artiste et éducatrice suédoise se découvre dans L'oiseau en moi vole où il veut, récit inspiré des dessins et du journal intime de la fillette, un album aux aquarelles rehaussées de gouaches pleines et entières de Sara Lundberg qui, mieux encore que les mots, expriment la tristesse et l'anxiété.
Comment grandir en confiance lorsque derrière la porte souffre une mère alitée qui ne peut prendre ses enfants dans ses bras de peur de les contaminer et dont on guette chaque toussotement suspect ? Signe de très mauvais augure, la moindre apparition d’une goutte de sang plonge la famille dans une sourde anxiété.
Parfois, la petite Bertha s’enfuit dans les bois, s’y recroqueville et ressemble à l’oiseau en argile endormi qu’elle vient de fabriquer pour sa maman. Elle dessine dès qu’elle le peut afin d’adoucir sa peine et offre ses dessins à sa mère.

Berta a besoin de respirer. Cet espace vital, elle le trouve aussi, dans le coteau, paradis de son enfance. Elle s’assied dans l’herbe, sort son carnet de croquis et les fusains que son oncle lui a offerts.
Le dessin sera toujours sa passion, son évasion… Son intérêt pour l’art grandit au fur et à mesure que la santé de sa mère décline. Son père n’a pourtant d’autre ambition pour elle que de la préparer à devenir une parfaite femme au foyer.
Chaque fois qu’elle entre dans la chambre de sa mère, elle lui donne l’oiseau créé pour elle. Celle-ci le regarde longuement. Berta espère secrètement qu’il la guérira pendant que couchée sur le tapis, au pied du lit, elle continue à dessiner.
Comme un journal intime

Écrit à la première personne, le récit de Sara Lundberg retrace l’enfance et l’angoisse d’une fillette qui craint la moindre visite chez le médecin, la contagion, l’absence maternelle, les attentes paternelles, l’injustice du monde.
Seule son attirance pour les arts la sauvera de la désespérance. L’étincelle s’alluma lors d’un séjour de sa mère au sanatorium. Elle habite alors chez son oncle qui ne sachant plus comment sécher ses larmes lui fera découvrir son atelier et les miracles qu’il accomplit avec ses pinceaux. Elle sait qu’elle veut devenir artiste mais son parcours sera encore semé d’embûches car on ne devient pas aisément peintre lorsqu’on appartient au sexe féminin, en Suède, au début du XXe siècle. Bien que les femmes y aient obtenu le droit de vote en 1919, après un long combat politique, elles accèdent en effet toujours difficilement à l’indépendance. Et sans le médecin de famille, qui a d’emblée repéré son talent, Berta Hansson n’y serait jamais arrivée.
"Les plus désespérés sont les chants les plus beaux", dit-on volontiers. L'oiseau en moi vole volontiers est imprégné du chagrin que ressent un enfant en voyant s'aggraver la mauvaise santé d'un parent. L'angoisse de la petite Berta est palpable et l'atmosphère délicate du livre touche le lecteur à la pointe du cœur.
Rébellion
L’espoir, en outre, est au bout de la page puisque la jeune fille arrivera à ses fins, grâce à un acte de rébellion - une soupe au pois qu’elle laisse brûler - qui paraît anodin mais qui la mènera loin. Elle finira par quitter le comté du Jämtland, et par devenir une artiste majeure dans son pays.
Elle peint principalement les paysages qu'elle connaît, les animaux et les enfants qu'elle côtoie, puisqu'elle enseignera en Laponie, pendant son temps libre et tout en dévorant les ouvrages sur l'art. C'est grâce à sa rencontre fortuite avec l'écrivaine et artiste Elsa Björkman-Goldschmit qu'elle pourra exposer ses tableaux et accomplir son destin afin que, comme elle l'écrivait dans son journal intime, "L'oiseau en moi déploie ses ailes et vole où il veut".
- ★ ★ ★ L'oiseau en moi vole où il veut |De Sara Lundberg, traduit du suédois par Jean-Baptiste Coursaud, | Roman | La Partie , 19,50 €. Dès 10 ans.