Scènes d’une fratrie déchirée
Olivier Adam trouve les mots justes pour raconter les déchirements d’une famille.
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Publié le 22-09-2022 à 17h41 - Mis à jour le 22-09-2022 à 17h45
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Avec son nouveau roman Dessous les roses, Olivier Adam retrouve l'émotion de ses premiers livres qui avaient frappé leurs lecteurs comme l'excellent Des vents contraires.
Il nous entraîne à nouveau dans cette France périphérique des banlieues que la littérature française contemporaine traite peu, dans une famille ouvrière, les Eriksen. Des êtres qui ont grandi dans les marges de la société marchande et consumériste mais qui résistent, qui ont la tendresse en bannière.
Le livre se déroule en trois jours et en trois actes comme un huis clos d’une pièce de théâtre.
Le père vient de mourir et la fratrie se retrouve autour de la mère pour l'enterrement. Il y a Paul, un réalisateur et metteur en scène, homosexuel, intello, qui n'a jamais hésité à parler de sa famille de manière impudique dans ses films, au grand scandale de son père qui l'accusait de falsifier l'histoire familiale pour nourrir ses films : "La famille tu sais, disait-il, il s'en souvient que quand ça l'arrange. Mais ce que j'aimerais surtout savoir, c'est combien il a touché pour faire ses trucs sur la dignité du monde ouvrier". Mais pour la mort du père, Paul, pour une fois, rejoint son frère et sa sœur.
Antoine est, lui, le fils dévoué à sa famille comme Claire, la sœur, qui est infirmière à l’hôpital proche et va divorcer pour vivre avec un anesthésiste avec qui elle travaille.
L’enterrement du père aurait pu être le moment de la réconciliation autour de la mère, mais la jalousie et la rancune affleurent vite et se muent en disputes.
Intermittences
Dans le roman, chacun prend la parole à tour de rôle et raconte son histoire, ses fêlures, ses non-dits, Olivier Adam montre avec finesse comment chacun dans la fratrie voit différemment leur histoire commune. Derrière leurs souvenirs parfois douloureux, pointe aussi la question de qui a été aimé du père, qui était son enfant préféré.
Dans les histoires de famille et de rancœurs souvent inexprimées, il n’y a pas de justice. Il faut se souvenir de la parabole du fils prodigue où c’est celui qui est parti, abandonnant sa famille, qui est pourtant le mieux reçu par le père quand il revient.
La mort du père aura permis ce moment où les défenses se fissurent, où les reproches peuvent se dire comme les tristesses. Claire est émouvante quand elle s'exclame devant ses frères : "Et moi ? Je suis quoi là-dedans ? Je suis où ? Moi qui ai fait tout ce qu'on m'a dit de faire. Qui n'ai jamais fait d'esclandre. Moi qui n'ai jamais demandé quoi que ce soit."
Le charme des livres d’Olivier Adam est que ceux dont il raconte un moment de vie, ont les mêmes intermittences du cœur que nous tous, les mêmes désirs vains d’être reconnus, d’être aimés, de survivre, de trouver un coin de bonheur. Car il n’évoque finalement que la seule question qui compte, celle de l’amour.
- ★ ★ ★ Olivier Adam | Dessous les roses | roman | Flammarion | 248 pp., 21 €, version numérique 15 €
EXTRAIT
"Au salon de ma maison d’enfance, le fils ingrat et le fils dévoué regardaient un vieux Belmondo avec leur mère en descendant des shots d’alcool italien hauts comme des verres d’eau."
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