"Au long des jours" et d’une secrète idylle
Grâce à une photo retrouvée, Nathalie Rheims se souvient de ses amours avec un chanteur célèbre. En discrétion.
Publié le 02-02-2023 à 08h59
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Impressionniste et troublé comme les amours cachées, saupoudré d'un parfum de nostalgie qui replonge le lecteur dans le Paris des années 70, et parfois 30, aux belles heures de Saint-Germain-des-Prés, du Café Flore, de la butte de Montmartre et de son Lapin Agile, Au long des jours se lit le cœur juvénile au fil des rencontres secrètes.
Contée avec la délicatesse si chère à Nathalie Reims, cette romance aux accents autobiographiques est née de la découverte, en plein confinement, d’une photo Polaroid oubliée, et non des moindres… Prise par la photographe Bettina Rheims, sœur de l’auteure, elle représente un chanteur célèbre de l’époque, dont le nom ne sera jamais cité, mais que l’on reconnaît au premier coup d’œil.
La boucle noire et rebelle, le sourire ravageur, l'œil rieur et deux ou trois pattes d'oie, le visage de l'interprète de Comme un p'tit coquelicot se reconnaît aisément. A ses côtés, mutine et blottie dans ses bras, Nathalie Rheims, de 37 ans sa cadette, le visage caché par sa frange et longue chevelure brune.
C’est bien avec Mouloudji (1922-1994), poète engagé, auteur, séducteur au passé qu’on découvrira torturé, que la femme de lettres, 18 ans à l’époque, a vécu une histoire d’amour pendant un an, une histoire qu’elle avait presque oubliée.
Coup de foudre
Tout a commencé par un véritable coup de foudre, lors d'une première rencontre dans la loge de la jeune comédienne alors qu'elle jouait La Mante polaire avec la grande Maria Casarès au Théâtre de la Ville. Il ne faudra pas longtemps pour que la belle succombe au charme de l'artiste, fasse fi des saisons qui les séparent, savoure l'idée de fréquenter un homme qui, lui-même, fréquenta Sartre, Prévert ou Cocteau, et lui promette de ne jamais rien exiger. Très vite, cependant, elle vivra dans l'attente du rendez-vous suivant, souffrira des silences imprévisibles, passera du sourire aux larmes au long d'une relation qui, les premières palpitations passées, la fera souffrir plus qu'elle ne l'avait imaginé.
De sa plume fluide et délicate, Nathalie Rheims, dans ce vingt-troisième roman, dresse un portrait en demi-teinte de l’artiste à la carrière en dents de scie.
Au long des jours, titre emprunté à une chanson de Mouloudji, la fille de l'académicien Maurice Rheims emporte le lecteur dans le tourbillon de cette relation, dans le sel de l'interdit et dans l'intimité d'une jeune fille amoureuse en qui se reconnaîtront celles qui sont, ou ont été, contraintes d'aimer un jour dans l'obscurité.
Le caractère impossible de l’idylle et la notoriété des deux amants ajoute à l’intérêt de ce court roman qui laisse flotter dans son sillage le souvenir d’une époque révolue, le sentiment d’avoir également côtoyé d’un peu plus près les grands d’alors et d’avoir à nouveau aimé comme si elle ou lui avait encore 18… ou 55 ans.
--> ★ ★ ★ Nathalie Rheims | Au long des jours | Roman | Editions Léo Scheer, 176 pp., 17 €, version numérique 8 €
EXTRAIT
“En marchant dans les rues, je me demandai pour qui il avait écrit ‘Un jour tu verras’ ou à qui il avait chanté pour la première fois ‘Comme un p’tit coquelicot’. Je l’entendais chanter au fond de moi. Je regardais une à une toutes les pochettes qui renfermaient ses vinyles. Je caressais l’image de son visage. En ressortant du magasin, je remontai les Champs pour me rendre devant la Villa d’Este. Mais pas question d’y traîner, même s’il y chantait de nouveau.”