Par Lize Spit, tout le malheur de la paranoïa
Dans son second roman, la Belge raconte la dérive d’un couple affrontant des crises de paranoïa.
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Publié le 02-02-2023 à 17h00
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Il y a cinq ans, on découvrait une jeune écrivaine flamande, Lize Spit, née en 1988. Elle faisait un triomphe en Flandre, puis dans d'autres langues, avec son premier et très gros roman Het Smelt (traduit par Débâcle). Elle y racontait la dérive hyper réaliste et glaçante de trois adolescents dans un village près d'Anvers.
Elle revient aujourd'hui avec un second roman, intitulé Je ne suis pas là, plus gros encore (510 pages), fort attendu, mais qui déçoit.
L'histoire se déroule cette fois à Bruxelles, où vit et travaille désormais l'autrice. Lize Spit reprend le même schéma narratif que pour Débâcle. Dans son premier roman, on se demandait tout au long du livre pourquoi Eva revenait au village avec un énorme bloc de glace dans son coffre.
Cette fois, on s'interroge sur l'issue du coup de téléphone affolé que reçoit au début du roman, Léo (la narratrice). On lui annonce que Simon, son compagnon, a enlevé la petite Léontine, le bébé d'un couple ami, Lotte et Koen.
Léo a besoin de onze minutes pour retourner chez elle, voir ce qui s'est passé et empêcher sans doute l'irréparable. Ce laps de temps est découpé dans le roman en très courts chapitres qui ponctuent le livre jusqu'à son dénouement qu'on ne dévoilera pas.
Tatouage
Entre ceux-ci, on revient des années en arrière sur le couple de Léo et Simon. Leurs débuts sont faits d'amour sans problème, mais un jour, la santé mentale de Simon semble vaciller. Il revient avec un curieux tatouage derrière l'oreille. Ses oreilles trop décollées le complexaient quand il était enfant. Tout excité, il veut quitter son emploi pour ouvrir une entreprise de tatouage.
Peu à peu, on voit Simon pris dans une paranoïa de plus en plus intense qui vise surtout Koen, l'ami du couple, le compagnon de Lotte qui est enceinte. Simon le soupçonne de vouloir le surveiller et lui voler ses idées. Koen est-il caché dans la camionnette garée devant la maison ? A-t-il placé des caméras partout, y compris dans leur chat appelé Daan ? Simon est tout autant en proie à des passages maniaques dus à sa bipolarité.
Lize Spit décrit longuement, trop longuement, cette descente aux enfers. Elle montre que si Leo reste fidèle à son amour pour Simon, l'ex-gentil designer devenu incontrôlable, elle ne se porte guère mieux. "Nous étions deux piliers de guingois qui, dès lors qu'on les appuierait l'un contre l'autre, auraient plus de stabilité qu'un seul pilier à la verticale. Tout irait bien tant que nous resterions ensemble " , explique-t-elle. Léo écrit aussi des rubriques dans le magazine Bruzz et les lit à la radio.
Que peuvent devenir l'amour et l'amitié quand la maladie mentale surgit ? Comment rester fidèle à celui qui littéralement n'est plus là ?
Si le début du roman est puissant, la prose de Lize Spit s'étire ensuite longuement, au risque de lâcher le lecteur.
--> ★ ★ Lize Spit | Je ne suis pas là | Roman | traduit du néerlandais par Emmanuelle Tardif, Actes Sud, 510 pp., 24 €, version numérique 18 €
EXTRAIT
"Je ne suis pas absent, je suis là, je suis Simon, plus que jamais moi-même, et ça, Léo ne le supporte pas, elle s’est habituée à son rôle de chien d’aveugle, c’est ça qu’elle veut, elle ne veut pas laisser voir les choses de mes propres yeux, parce qu’autrement, elle ne servirait plus à rien. (…) Si j’ai besoin d’aide, alors elle aussi ; on a tous les deux perdu notre mère, mais c’est elle qui l’a le moins bien surmonté."