L’immense plasticienne tchèque Kveta Pacovska est décédée
L’artiste tchèque, qui a grandi de l’autre côté du Mur, a toujours joui d’une grande liberté, car elle s’adressait aux enfants. Nous l’avions rencontrée à Bologne.
Publié le 08-02-2023 à 12h02 - Mis à jour le 13-02-2023 à 18h59
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Toujours en noir, Kveta Pacoska, née à Prague en 1928, était pourtant solaire. Elle avait 94 ans et inspirait le respect et l’amitié. Architecte de papier, elle proposait aux enfants des albums qui se déployaient, qu’il fallait installer dans l’espace, avec souvent un clown et un rhinocéros et la lune.
En 1992, elle reçoit le prestigieux Prix Hans Christian Andersen. Auteure de nombreux albums tels que Ponctuation, où l’on pose des centaines de questions à Monsieur Point d’interrogation (Le Seuil, 2004) ou La Petite Fille aux allumettes (Editions Nord-Sud, 2005), elle figure parmi les cinquante artistes qui ont marqué l’illustration au cours des cinquante dernières années.
Nous l’avions rencontrée à la Foire du livre de Bologne, en 2016. Assise, presque voûtée, sirotant un apéritif ambré et léger, le cheveu gris et toujours au carré, les doigts bagués et les ongles vernis de vert, elle avait accepté de répondre à l’improviste à nos questions. Elle était d’une douceur infinie et heureuse de pouvoir voyager, elle qui avait grandi de l’autre côté du Mur. Ses albums étaient désormais publiés aux Grandes Personnes.

S’exprimer librement
”Je faisais des livres pour enfants, car personne ne s’y intéressait à l’époque. Je pouvais alors m’exprimer librement”. Cette année-là, Midnight Play (Michael Neugebauer Verlag, Gossau, 1982) avait été sélectionné pour l’exposition rétrospective de Bologne. Cette histoire à rebondissements, à rabats, à variables multiples annonce la représentation d’un cirque, la vie et la transformation des artistes. “Je ne m’attendais pas à ce qu’on puisse en exposer les originaux puisqu’il se plie et se déplie. Mais je suis très honorée. Je voudrais me cacher sous la table mais elle est en verre”, avait-elle déclaré avec un humour présent dans ses livres empreints également de poésie et traduits en allemand, anglais, japonais, français, italien, portugais, danois, néerlandais ou chinois.
”J’ai d’abord dessiné pour mes enfants, dans les années 50, puis pour les autres. J’ai toujours travaillé de manière instinctive. J’ai grandi enfermée dans mon pays, mais je me suis consacrée à l’art car celui-ci est fondamental pour moi.” Ses illustrations gardent une réelle fraîcheur. Elle aimait autant pratiquer la peinture à doigts qu’exploiter les contrastes du noir et blanc.
Auteure, entre autres, de L’Alphabet, elle explique comment les lettres chantent quand on les regarde. “J’adore aussi dessiner les lignes comme à l’école, utiliser les couleurs primaires. Le plus important, dans un livre, est d’être compris par tous. J’aime écrire pour des gens qui ne peuvent pas voir ou bouger car on peut lire avec les cinq sens. C’est tellement important.”