La vie en vers de William Cliff
Le poète réunit souvenirs et réflexions sur son enfance, ses rencontres, sa vie.
Publié le 15-03-2023 à 09h00
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William Cliff nous revient avec un volume de plus de trois cents pages d’évocations, de souvenirs, de réflexions coulés dans la forme du sonnet (poème de 14 vers composé de deux quatrains et de deux tiercets) cher à Baudelaire. Voilà cinquante ans qu’il en scande la rythmique tour à tour amicale, ironique, érotique, descriptive, paradoxale, fraternelle.
Né à Gembloux en 1940, quatrième d’une fratrie de neuf enfants, William Cliff (c’est un pseudonyme) fit des études de philologie romane chez les jésuites de Namur puis à l’Université de Louvain. Pour son mémoire de licence, il analysa l’œuvre de poète catalan Gabriel Ferrater : elle lui ouvrit la voie d’une poésie narrative et réaliste, alternant confessions et méditations sur la condition humaine dans ses misères comme dans ses grandeurs.
En 1973, il adressa ses premiers sonnets à Raymond Queneau qu'ils fascinèrent au point que l'auteur de Zazie dans le métro (1959) le fit aussitôt publier par les prestigieuses éditions Gallimard. Le poète belge donna à son recueil un titre latin que Horace aurait approuvé mais qui tenait aussi de la provocation Homo sum. Depuis lors, il est devenu le poète le plus lauré de Belgique : Grand prix de poésie de l'Académie française (2007), prix Quinquennal de littérature de la Belgique francophone ((2010), prix Goncourt de la poésie (2015).
Brûlant d’un vivre amer…
Dans Des Destins, William Cliff revient par petites touches sur son enfance, évoquant notamment sa marraine, "une femme despotique qui avait mal au foie et criait son malheur", son oncle "bien-aimé" qui encouragea l'intérêt qu'il avait pris pour la poésie, sa bonne-maman, qui récitait par cœur les Fables de La Fontaine qu'elle avait apprises dans son enfance, etc. Il revient aussi sur ses années d'étudiant, ses premiers émois érotiques, plus tard ses errances sexuelles, et, bien sûr, les voyages au long cours qui le conduisirent tantôt à Bénarès, tantôt à San Francisco, ou sur des plages d'Amérique latine.
Il y a du moraliste chez ce poète dont on a pu écrire qu'il était "un misanthrope humaniste" et qui confesse "le vivre amer qui me brûle les lèvres". Si la solitude imprègne son œuvre, elle est traversée de rencontres et d'amitiés. Sa relative pauvreté fut le gage de son indépendance. Enfin, le réalisme souvent cru qui lui sert à dire "l'homme concret moderne" caractérise son art du vers qui tient de la frappe sèche du clavecin plutôt que des harmoniques du violon.
Si l'on devait réunir dans un volume les vingt recueils de poésie que William Cliff a publiés en cinquante ans, on découvrirait qu'ils forment une tapisserie autobiographique dans laquelle il aura réalisé à sa façon ce que Jean-Jacques Rousseau ambitionna dans ses "Confessions" de faire à la sienne : "Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature".
-> ★ ★ ★ William Cliff | Des destins | poèmes | La Table ronde | 350 pp., 22 €, version numérique 12 €
EXTRAIT
“Je veux de la poésie, de la poésie
pour charmer la déroute de mon existence,
mon âme désire qu’elle se rassasie
avant d’aller plonger dans sa sombre échéance.”