Dupuis pourra exploiter les droits de Gaston Lagaffe, mais seulement selon certaines conditions
Une décision a été rendue sur la potentielle publication d’un nouvel album de Gaston Lagaffe. Un arbitrage a estimé que la maison d’édition Dupuis pouvait poursuivre l’exploitation du personnage de Franquin à condition de se référer à sa fille, détentrice du droit moral de l’œuvre.
- Publié le 31-05-2023 à 19h59
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Lagaffe sans Franquin ? Voilà des mois que les éditions Dupuis l’appelaient de leurs vœux alors qu’Isabelle Franquin, fille du dessinateur originel, s’y opposait fermement. Une sentence arbitrale prononcée le 30 mai a finalement tranché : Dupuis pourra ressusciter Gaston à condition de solliciter l’avis de sa fille sur les prochains albums. La décision fait suite au litige entre les deux partis, déclenché suite à l’annonce en mars 2022 de la parution de l’album Le Retour de Lagaffe sous le crayon de Delaf, co-auteur entre autres de la série Les Nombrils.
La révélation des premières planches avait incité Isabelle Franquin à saisir la justice. Elle accusait Dupuis de plagiat, faisant valoir que son père lui-même “ne voulait en aucun cas que Gaston Lagaffe soit repris par un autre dessinateur après sa mort”. “C’est un droit moral inaliénable qu’elle peut exercer”, a insisté en mai 2022 son avocate Martine Berwette avec comme conséquence l’interdiction de publier des nouveaux gags dessinés par Delaf dans le journal de Spirou.
Une suspension temporaire a été décidée en attendant l’arbitrage privé de l’affaire par l’avocat Jean-Ferdinand Puyraimond. Sa décision a confirmé le caractère licite de l'édition de nouveaux albums de Gaston Lagaffe par Dupuis, détenteur des droits et qui, selon le contrat de cession des droits d’exploitation signé par André Franquin en 1992, autorise toute nouvelle utilisation de Gaston et de son environnement.
L’exploitation reste néanmoins encadrée : Dupuis devra tenir Isabelle Franquin informée tous les six mois de chaque projet. Cela n’avait pas été le cas jusqu’ici puisque le projet de reprise a été tenu secret par Dupuis pendant cinq ans. La fille de l'auteur pourra objecter le contenu de futurs albums si celui-ci travestit l’oeuvre originelle d’une manière éthique ou artistique.
Interprétations divergentes
Quelles sont les conséquences de la sentence pour l’album déjà bouclé de Delaf ? Sur ce point, l’interprétation des deux parties diverge. L'autre avocat d’Isabelle Franquin, Maître Claude Katz, estime que dans le cas du Retour de Lagaffe, les planches soumises par Dupuis en décembre 2021 étaient incomplètes. “Les annotations et l’état d’avancement des pages reçues démontrent que nous n’avons pas eu accès à la version définitive. Nous voulons être sûrs que tous les scénarios, les attitudes de Gaston, voire le trait du dessin seront conformes à l’oeuvre de Franquin”, explique l’avocat.
Il estime que sa cliente devrait avoir un nouveau droit de regard avant une éventuelle parution. De son côté, l’avocat des éditions Dupuis, Maître Alain Berenboom contredit cette interprétation : “La décision a été très clairement exprimée. L’édition et l’exploitation de l’univers de Gaston, tel qu’il a été fait par Delaf, est tout à fait licite. Madame Franquin a déjà rendu ses avis sur les planches”, déclare l’avocat. De leur côté, les avocats d’Isabelle Franquin confirment que toute action est désormais possible en cas de publication de cette BD sans envoi préalable. Une saga juridique qui risque bel et bien de se poursuivre.