“Autant en emporte le vent” revisité
Pierre Alary a osé s’attaquer – avec talent – au best-seller de Margaret Mitchell.
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- Publié le 01-06-2023 à 21h00
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Pierre Alary aime les bouquins. Il a pris goût aux adaptations de romans. Pas n’importe lesquels, pas ceux sortis en toute discrétion, que des succès de librairie. Des romans partagés. Connus. Dévorés. “Il faut des livres populaires”, explique-t-il. Du coup, il s’attaque à des moments de lecture sur lesquels les avis sont nombreux. Pas évident dès lors de faire l’unanimité avec ces adaptations.
Pourtant, jusqu’ici, l’auteur a fait un sans-faute avec son travail sur le Moby Dick d’Herman Melville (il ne signait “que” le dessin, le “scénario” était d’Olivier Jouvray) mais aussi et surtout des romans de Sorj Chalandon Mon traître et Retour à Killybegs où il a pris seul les commandes de l’exercice.
Des adaptations fidèles
À chaque fois, Pierre Alary parvient à extraire la substantifique moelle de ces œuvres. Il parvient à demeurer fidèle, très fidèle, au roman tout en imposant son regard et sa patte sur le récit. Son adaptation de Gone with the Wind ne fait pas exception. “Je me suis d’ailleurs interdit de revoir le film avant de terminer le travail sur le roman”, explique l’auteur.
Sa recette personnelle, composée d’un mélange de grande justesse et de sensibilité, fait une nouvelle fois merveille dans cette adaptation du roman culte de Margaret Mitchell paru dans l’immédiat avant Seconde Guerre mondiale. Un roman sur le Sud américain, son esclavagisme et les relations humaines dans une société affairiste, engoncée et sclérosée, rattrapée et même dépassée par le sens de l’Histoire. Un roman perçu comme résolument féministe et moderne en 1936 quand il est publié. Ce qui lui vaudra le prix Pulitzer l’année suivante et l’adaptation sur grand écran par Victor Fleming avec les inoubliables Vivien Leigh et Clark Gable en 1939. Un succès mondial, bardé de 8 oscars, dont la vie dans les salles de cinéma va s’éterniser à cause du conflit qui ravage l’Europe. Le – très – long-métrage (près de 4 heures) mettra en effet quelques années à franchir l’Atlantique.
Margaret Mitchell, dépassée par ce succès, ne publiera plus d’autre roman et s’éteindra en 1949.
Toujours une référence du 7e art
Plus de 80 ans plus tard, le film demeure une des références de l’histoire du cinéma malgré les nombreuses critiques qu’il a essuyées sur la “réécriture” de l’histoire des Afro-Américains. Pierre Alary n’élude pas la question mais, malgré sa “passion” pour le film, “pour ses audaces visuelles, notamment dans les images de l’incendie”, l’auteur est donc reparti de l’œuvre originelle de Margaret Mitchell pour nous offrir ce diptyque dont le second tome devrait sortir dans deux ans. “Pour l’adaptation au cinéma, ils ont enlevé des éléments qui me semblaient cruciaux pour la dramaturgie”, enchaîne Pierre Alary qui avoue de son côté avoir pris “la liberté de développer certaines histoires comme celle de la lettre de sa mère que Scarlett découvre dans un coffret. Un courrier qui sera déterminant pour l’avenir de l’héroïne qui va ainsi comprendre l’itinéraire de sa mère”.
150 pages pour ce premier tome
Dessin léché, découpage serré, couleur maîtrisée de bout en bout pour ce premier volet qui nous donne une vision moins hollywoodienne, plus humaine, qui dépeint un monde en fin de parcours.
Scarlett O’Hara et Rhett Butler sont plus humains, moins caricaturaux, plus complets et donc plus complexes. Alary réussit une fois de plus à nous embarquer dans sa lecture.
--> ★ ★ ★ ★ Pierre Alary | Gone with the Wind | Bande dessinée | Rue de Sèvres, 150 pp. 25 €