Les thèmes abordés dans le livre de Jean-Louis Servan-Schreiber trouvent un écho dans l'actualité douloureuse de ces derniers mois. Regarder la vie en face, la trouver rude, parfois, mais aussi belle, et s'en réjouir. Entretien.
Un "désespéré souriant", c’est comme ça qu’il se voit. A 79 ans, Jean-Louis Servan-Schreiber, journaliste, essayiste, membre du conseil d’administration international de Human Rights Watch, a toujours placé l’homme au centre de ses écrits et de ses questionnements. Dans son dernier livre, "Fragments de lucidité", il s’interroge encore et toujours sur l’existence et la manière - les manières - de l’aborder, au travers de l’amour, de l’amitié, de la religion. Des thèmes qui trouvent un écho dans l’actualité douloureuse de ces derniers mois. Une réflexion passionnante, dont il reconnaît qu’il lui aura fallu tout ce temps pour enfin la coucher sur papier, avec la plus grande simplicité.
On ne sait si on sort de ce livre un peu déprimé ou, au contraire, heureux. Etes-vous conscient de cela ?
Oui, tout à fait. Je dois dire que si je m’étais lu plutôt que de l’avoir écrit, j’aurais tendance, comme vous, à me demander de quel côté ça tombe… Il faut évidemment que je me sois posé cette question pour pouvoir écrire ce livre. C’est une question que j’aborde dans le chapitre sur le penseur et l’animal. Au départ, c’est sur ce thème que je voulais écrire, mais je n’y suis pas arrivé. Il faut prendre conscience qu’à l’intérieur de nous, il y a cet esprit rationnel, informé, qui est habitué à peser les éléments et à en tirer des conclusions. Et puis, il y a cet animal, qui est un être qui a envie de vivre. Et le fait d’avoir envie de vivre fait qu’il interprète la réalité d’une manière qui l’arrange et qui est plutôt positive. De temps en temps, le penseur peut lui donner un coup au moral, et de temps en temps, il se sert du penseur pour regarder les choses autrement. Je suis très conscient de cette dichotomie intérieure.
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