Arte explore la zone grise de l’info
Si l’on en croit les adeptes de la théorie du complot, le virus H1N1 aurait été créé en laboratoire pour relancer l’économie, et les attentats du 11 septembre auraient été préparés par les Américains ou par les sionistes.
Publié le 09-02-2010 à 04h15 - Mis à jour le 09-02-2010 à 08h30
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Si l’on en croit les adeptes de la théorie du complot, le virus H1N1 aurait été créé en laboratoire pour relancer l’économie, et les attentats du 11 septembre auraient été préparés par les Américains ou par les sionistes.
"On nous cache tout, on nous ment !", crient en chœur les citoyens qui se prennent pour des journalistes, et autres agences de presse associatives nourries, notamment, d’antisémitisme galopant. Le vecteur essentiel de cette désinformation ? La Toile bien sûr, où l’info circule à toute vitesse, sans aucun filtre ni hiérarchie.
Une thématique brûlante - en atteste le récent "Huis-clos sur le net" initié par les radios francophones publiques qui interrogeaient, par ce biais, la pertinence des infos véhiculées par Twitter, Facebook et autres blogs - sur laquelle Arte se penche dans sa soirée baptisée "Main basse sur l’info".
Dans la posture du journaliste candide mais bien décidé à défendre sa profession, Ted Anspach se glisse dans les circuits de la rumeur, chasse le fantasme, traque la parano. Et démontre dans Les effroyables imposteursH H (Arte, 20h35) comment la théorie du complot s’insinue dans les esprits, et s’immisce jusque dans les médias traditionnels. Exemple frappant avec cette émission de TV7 Bordeaux qui relaie, sans aucun esprit critique ni distance journalistique, les thèses révisionnistes sur le 11 septembre du film "Zéro" de l’Italien Giulietto Chiesa.
Le documentariste se fait plus virulent encore face aux agissements d’une agence de presse associative, condamnée récemment pour incitation à la haine raciale, Alter Info. Sous couvert de journalisme alternatif et au nom de la sacro-sainte liberté d’expression, le site relaie notamment la propagande du Hezbollah par le biais du site d’Al Manar.
Au-delà de ces exemples frappants, Ted Anspach explore un domaine plus ambivalent : le journalisme participatif. S’il est très encadré par un quotidien comme le "Spiegel" sur son site Internet, ce journalisme citoyen peut donner lieu à des dérapages. Et nous voyons ici de manière implacable que les filtres mis en place par un site comme lepost.fr ne fonctionnent pas toujours
Ce qui ressort, in fine, de ce documentaire plutôt rythmé, au ton incisif et musclé : la nécessité de défendre la presse traditionnelle et le métier de journaliste, dans son travail d’enquête, de vérification et de hiérarchisation des infos.
C’est aussi, sans surprise, ce que défendent les grands pros de l’info interrogés par Denis Jeambar, François Bordes et Stanislas Kraland dans Huit journalistes en colère H (Arte, 21h20). Dans une forme que l’on pourrait contester, qui s’apparente à de la radio filmée, Arlette Chabot, Axel Ganz, David Pujadas, Jean-Pierre Elkabbach, Eric Fottorino, Edwy Plenel, Franz-Olivier Giesbert et Philippe Val signent un édito à huit voix.
Ensemble, ils tirent la sonnette d’alarme et mettent en garde contre, en vrac, "le conformisme et le journalisme des bons sentiments", "la conviction d’être au service du bien et du mal", "la pipolisation, le voyeurisme et l’émotion", "la banalisation de l’info" Arlette Chabot rejoint d’ailleurs Ted Anspach en lançant ce cri d’alarme : "Méfiez-vous des adeptes de la théorie du complot !"
Ici aussi, il est question de cette "zone grise de l’info" qu’est l’Internet et de la difficulté qu’ont les médias traditionnels, en particulier la presse écrite, à résister à cette concurrence. Une analyse qui court sur 26 minutes et ne sort pas franchement des sentiers battus. Peut-on en attendre davantage du débat qui suivra, animé à 22 heures par Daniel Leconte ?
Caroline Gourdin, à Paris