L’équilibre entre flux intelligent et créativité
La nomination du Français Bernard Meillat à la tête de Musiq’3 (RTBF) remonte à août 2006. L’ancien directeur de la chaîne française privée Radio Classique succédait à Gérard Loverius, qui prenait sa retraite. C’était l’été, ça n’a pas fait de vagues L’arrivée de cet homme affable, cultivé (il fut longtemps professeur de Lettres), fin connaisseur de la musique classique et légèrement professeur Nimbus, fut pourtant une bombe, à retardement, mais une bombe quand même Rencontre.
- Publié le 29-06-2012 à 04h15
Entretien La nomination du Français Bernard Meillat à la tête de Musiq’3 (RTBF) remonte à août 2006. L’ancien directeur de la chaîne française privée Radio Classique succédait à Gérard Loverius, qui prenait sa retraite. C’était l’été, ça n’a pas fait de vagues L’arrivée de cet homme affable, cultivé (il fut longtemps professeur de Lettres), fin connaisseur de la musique classique et légèrement professeur Nimbus, fut pourtant une bombe, à retardement, mais une bombe quand même Rencontre.
" Je sortais d’une période difficile suite à des conflits ouverts avec le propriétaire de Radio Classique, dont les principes de rationalisation allaient à l’encontre de ma conception du job. Ça bardait pas mal. Pour des raisons d’alliance politique, les postes officiels (en France) m’étaient fermés, et lorsque j’ai reçu la proposition de Musiq’3, j’y ai vu une belle occasion d’apporter mon expérience à un service public proche, francophone, dans un pays où je connaissais déjà pas mal d’acteurs culturels."
Mais comment parvenir à booster une chaîne disposant de six fois moins de moyens que, par exemple, France Musique ou la chaîne classique flamande Klara ? Y avait-il moyen de faire quelque chose d’équivalent ? "Non, mais on pouvait développer un nouvel équilibre entre le "flux intelligent" (diffusion automatique à certaines périodes de la journée) et le "déploiement créatif", avec des émissions très élaborées, des feuilletons, des week-ends thématiques, le Festival Musiq’3, etc. L’autre grand axe que je m’étais fixé était l’interaction avec les institutions culturelles du pays, avec pour premier objectif d’attirer plus de jeunes au concert et de créer un lien dynamique entre les acteurs de la musique et ses consommateurs."
Ces objectifs furent présentés lors d’une conférence de presse très remarquée, au Résidence Palace, en janvier 2007. Y a-t-il eu concrètement un changement sur le terrain ? "Les liens entre Musiq’3 et les institutions se sont fortement développés. Citons les émissions liées aux 75 ans de l’ONB, aux 50 ans de l’OPRL, aux 80 ans de Bozar, les actions menées avec le Festival de Wallonie, avec l’ORW, qui accueillera la prochaine conférence de presse de Musiq’3 dans ses bâtiments rénovés (un scoop) ou encore avec la Monnaie, dont nous avons relayé certaines positions dans l’émission "Les tentations populistes", à propos de la liberté d’opinion en Hongrie et en Italie. Mon regret : que je n’aie pas eu le temps de développer plus de contacts en dehors de Bruxelles et de Liège "
Quel bilan Bernard Meillat dresse-t-il de son travail en interne ? "Au début, tout le monde était euphorique, mais lorsque j’ai voulu bouleverser la grille, changer les équipes et les affectations, ça a été plus compliqué Une partie des producteurs était dans la nostalgie des années 60-70, l’âge d’or de la radio, et j’ai dû supporter une certaine opposition. Je voulais instaurer une autre logique, décloisonner les fonctions, stimuler la créativité de chaque collaborateur, qu’il soit producteur, technicien ou animateur : "Dites-moi ce qui vous fait plaisir, on va essayer." Et on fonçait Et il y eut les week-ends à New York, à Berlin, à Londres, a priori inconcevables." (Rires)
Toujours dans le domaine des personnes, on a assisté à un changement du profil des collaborateurs, y compris des anciens: "Grâce à l’avancée des technologies, beaucoup de travaux techniques sont aujourd’hui réalisés par tous : montage, lancement de la conduite d’antenne, etc. Par ailleurs, certains techniciens se passionnent de plus en plus pour la musique, et du coup, pourquoi ne pas leur demander de faire une annonce, de poser une question à l’artiste s’ils sont sur place pour une balance, de donner un écho d’ambiance, etc. Certains ont réalisé des émissions extraordinaires ! Mon but est de maintenir l’envie des gens " Partie de 39 temps pleins, l’équipe en comprend aujourd’hui 33 (direction comprise), dont de nombreux musiciens, à tous les niveaux de job, c’est un signe.
Dans les médias, qui dit bilan, dit audience. Bernard Meillat est plutôt satisfait du travail accompli. "A mon arrivée, les sondages donnaient 1,1 % de part de marché, le taux le plus bas jamais enregistré, mais je crois que c’était un accident Nous avons connu 2,4 - le sommet - et nous nous situons aujourd’hui aux alentours de 2. Ce qui est la moyenne des pays à tradition classique, notant qu’on ne capte pas Musiq’3 partout en Wallonie. Quant au public de Musiq’3, il y eut probablement un recul des anciens, parfois déconcertés, en parallèle avec l’arrivée de nouveaux publics, sensibilisés par des actions de terrain menées auprès des académies, des chorales, des amateurs, etc. ainsi qu’à travers les connexions aux autres radios de la RTBF, comme dans le cas du prochain Festival Musiq’3."
Malgré un rythme à marche forcée, Bernard Meillat ne sera néanmoins pas arrivé à tout faire. "En arrivant en Belgique, je m’étais assigné la numérisation du patrimoine de Musiq’3 comme première mission Mais l’idée était en avance sur son temps et il a fallu attendre l’arrivée du numérique pour que le mouvement s’enclenche : il s’agira donc de créer une sorte d’iPod géant (l’ensemble du patrimoine correspond à 150000 heures de musique, mais Musiq’3 n’en gardera qu’un bon tiers ) reprenant pour chaque plage musicale toutes les données associées : intitulés, distribution, présence récente sur la chaîne, etc. plus les liens utiles, le tout pouvant être piloté de n’importe quel ordinateur ou programmé à distance, ce sera un outil fantastique."
Un outil désormais aux mains du Belge Benoît Jacques de Dixmude (qui garde son poste de producteur au service Scène de la TV), directeur faisant fonction, et de la Québécoise Pascale Labrie, chargée de la coordination des programmes.