Les différents visages du mal

La notion de mal nous est familière. Pourtant, qu’est-ce qui le définit de façon scientifique ? C’est la question à laquelle tente de répondre Le mal, une approche scientifique H H, documentaire allemand de Karin Jurschick coproduit par la ZDF, Arte et la RTBF. Le film s’ouvre sur le témoignage de Susanne Preusker. Directrice du centre psychologique de la prison de Straubing, l’une des plus sécurisées d’Allemagne, celle-ci a été victime d’une prise d’otage de 7 heures, menacée de mort et violée à plusieurs reprises par un de ses patients qui avait déjà tué l’une de ses thérapeutes. Ce qu’elle dit, c’est sa surprise : elle n’avait rien vu venir

H. H.

La notion de mal nous est familière. Pourtant, qu’est-ce qui le définit de façon scientifique ? C’est la question à laquelle tente de répondre Le mal, une approche scientifique H H, documentaire allemand de Karin Jurschick coproduit par la ZDF, Arte et la RTBF. Le film s’ouvre sur le témoignage de Susanne Preusker. Directrice du centre psychologique de la prison de Straubing, l’une des plus sécurisées d’Allemagne, celle-ci a été victime d’une prise d’otage de 7 heures, menacée de mort et violée à plusieurs reprises par un de ses patients qui avait déjà tué l’une de ses thérapeutes. Ce qu’elle dit, c’est sa surprise : elle n’avait rien vu venir

Que se passe-t-il dans la tête d’un psychopathe ? Comment le reconnaître ? Depuis la fin du XIX e siècle, ce sujet est l’objet d’études scientifiques (forme du crâne ou du visage ) qui ont mené à l’eugénisme ou à la politique nazie de stérilisation forcée. Pourtant, de nombreux chercheurs pensent encore qu’il existe une origine génétique du mal. On étudie ainsi par IRM les zones du cerveau actives face à telle ou telle scène de violence pour tenter de mesurer l’empathie, ou l’on traque le mouvement des yeux face à des photos pour tenter de différencier le sujet sain du sujet déviant. Mais tout le monde semble s’accorder sur un point : la psychopathie naît dès la prime enfance, d’un traumatisme refoulé qui finit par inhiber toute sensibilité. Même si un psychopathe est capable de dissimulation.

Si l’on reste dans un premier temps dans une exploration très classique du criminel, la seconde partie du documentaire se révèle bien plus intéressante. On y suit ainsi un neuropsychiatre allemand qui étudie le cas d’anciens enfants-soldats dans la région de Goma, au Congo. Son idée est que dans ce contexte de violence généralisée, on ne peut expliquer le passage à l’acte par une origine pathologique. Pour lui, il doit exister un mécanisme biologique permettant à l’homme de redevenir chasseur dans une situation où la société n’est plus capable d’imposer le tabou du meurtre d’un autre être humain.

L’objet d’étude du psychologue social Harald Welzer est très proche : comment un homme normal bascule-t-il pour devenir un tueur ? Mais son approche est nettement plus convaincante. Il ne s’agit en effet pas pour lui d’invoquer la biologie ou la théorie de l’évolution. Il cherche plutôt à comprendre comment une société parvient à exclure une autre classe d’hommes en parvenant à donner un sens à la barbarie. "Aucun génocide n’a été empêché à cause d’un manque de tueurs " Il s’intéresse ainsi au 101e bataillon de réserve de Hambourg. Sur 500 hommes, seuls 6 à 11 ont refusé de participer aux exécutions sommaires de juifs en 1941. Sa conclusion fait froid dans le dos : "Tout cela s’est fait en un temps très court : 8 ans seulement pour qu’une majorité des Allemands trouvent cela normal de traiter autrement ceux qui ne faisaient pas partie des leurs. S’ils y ont vu un sens, cela signifie qu’on n’agirait peut-être pas autrement soi-même dans certaines circonstances " Le mal n’a en effet pas que le visage du tueur en série ultra-médiatisé, il est terré en chacun de nous

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