La traque des grand-mères

De 1976 à 1983, la dictature militaire a écrasé l’Argentine. Ce furent huit années de répression terrible contre les opposants au régime, cadres politiques, ouvriers, étudiants Sous prétexte de les considérer comme "subversifs", ils ont été enlevés, torturés, exécutés ou jetés dans le rio de la Plata après avoir été drogués. On estime à 30 000 le nombre de disparus. Parmi ces victimes, des femmes enceintes, qui ont accouché menottes aux poignets, dans des centres de détention tels que l’Esma, l’Ecole mécanique de la marine, située au cœur même de Buenos Aires ! Elles ont été assassinées, et leurs bébés confiés aux tortionnaires ou à de "bonnes familles chrétiennes". Cinq cents nouveau-nés ont ainsi été arrachés des bras de leur mère.

Caroline Gourdin, à Paris

Déchirant De 1976 à 1983, la dictature militaire a écrasé l’Argentine. Ce furent huit années de répression terrible contre les opposants au régime, cadres politiques, ouvriers, étudiants Sous prétexte de les considérer comme "subversifs", ils ont été enlevés, torturés, exécutés ou jetés dans le rio de la Plata après avoir été drogués. On estime à 30 000 le nombre de disparus. Parmi ces victimes, des femmes enceintes, qui ont accouché menottes aux poignets, dans des centres de détention tels que l’Esma, l’Ecole mécanique de la marine, située au cœur même de Buenos Aires ! Elles ont été assassinées, et leurs bébés confiés aux tortionnaires ou à de "bonnes familles chrétiennes". Cinq cents nouveau-nés ont ainsi été arrachés des bras de leur mère.

Dès novembre 1977, des femmes, baptisées "Grand-mères de la place de Mai", se sont lancées à la recherche de ces enfants. Un combat sans relâche (qui se poursuit encore), symbole de la résistance contre l’oppression. Pas à pas, ces mères de famille privées de leur descendance se sont organisées, et ont réussi, en défiant le pouvoir totalitaire, à retrouver 107 de ces enfants.

Soutenues par des pays comme la Belgique, la France ou l’Espagne, elles ont eu recours à la science génétique, qu’elles ont contribué à faire avancer. Elles ont gagné à leur cause des scientifiques américains et créé la première banque de données génétiques, alors que les recherches ADN étaient encore balbutiantes.

"Mon intention est notamment de montrer comment le citoyen lambda peut changer le cours de l’Histoire par le combat quotidien, grâce à la volonté et à la persévérance", commente Alexandre Valenti, réalisateur de cet excellent documentaire, Fipa d’Or 2013 dans la catégorie du Reportage, Argentine, les 500 bébés volés de la dictature H H H. Pendant deux ans, cet exilé argentin, qui quitta son pays pour le Brésil un mois après le coup d’Etat de 1976, a compilé le témoignage des grands-mères de la place de Mai, et celui d’enfants de disparus. C’est grâce au travail de ces femmes que ces enfants ont pu découvrir la vérité sur leur identité. Leur récit, extrêmement touchant, vient en contrepoint de l’Histoire et des procès des tortionnaires. D’abord poursuivis en 1985, deux ans après l’avènement de la démocratie en Argentine, puis amnistiés par le président Carlos Menem en 1990 au nom de la réconciliation nationale, les militaires ont été condamnés en 2012 pour "délits de lèse-humanité", au terme d’un procès de 15 mois. C’est Nestor Kirchner, arrivé au pouvoir en 2003, qui a aboli les lois d’amnistie, permettant aux grands-mères, aux petits-enfants, aux pères aussi, d’obtenir gain de cause.

Au fil des témoignages, des archives, des reconstitutions, c’est toute l’horreur de la dictature qui se dessine, la noirceur du propos laissant place progressivement à l’espoir, puis à la victoire de la justice et de l’identité contre la barbarie. Bien que concerné par cette histoire, Alexandre Valenti parvient à lui donner une portée universelle.

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