Le zoom du jour
Docu-fiction. France 2, 20h45. Voici un sujet qui n’est pas inintéressant, pourtant traité de façon ennuyeuse. Telle une biographie poussiéreuse et linéaire, commentée de façon austère, ce docu-fiction signé Emmanuel Bourdieu, adapté du livre de Grégoire Kauffmann, "Edouard Drumont" (Editions Perrin), parvient par endroits à nous accrocher grâce notamment au jeu toujours juste de Denis Podalydès, jusque dans les aspects les plus grotesques de ce personnage hautement antipathique qu’était Edouard Drumont. Poète frustré devenu journaliste par dépit, antisémite notoire et anti-dreyfusard, soutenu par Alphonse Daudet ou les frères Goncourt, l’auteur de "La France juive", best-seller de 1886 (vendu à 500 000 exemplaires), était convaincu "de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas" . Le succès de ses écrits pamphlétaires, et de sa feuille à scandales, "La Libre Parole", reflète en tout cas un courant de pensée bien établi sous la IIIe République en France.
Publié le 19-03-2013 à 04h15
*Drumont, histoire d’un antisémite français
Docu-fiction. France 2, 20h45. Voici un sujet qui n’est pas inintéressant, pourtant traité de façon ennuyeuse. Telle une biographie poussiéreuse et linéaire, commentée de façon austère, ce docu-fiction signé Emmanuel Bourdieu, adapté du livre de Grégoire Kauffmann, "Edouard Drumont" (Editions Perrin), parvient par endroits à nous accrocher grâce notamment au jeu toujours juste de Denis Podalydès, jusque dans les aspects les plus grotesques de ce personnage hautement antipathique qu’était Edouard Drumont. Poète frustré devenu journaliste par dépit, antisémite notoire et anti-dreyfusard, soutenu par Alphonse Daudet ou les frères Goncourt, l’auteur de "La France juive", best-seller de 1886 (vendu à 500 000 exemplaires), était convaincu "de dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas" . Le succès de ses écrits pamphlétaires, et de sa feuille à scandales, "La Libre Parole", reflète en tout cas un courant de pensée bien établi sous la IIIe République en France.
Proche d’une Eglise catholique opposée aux républicains qui tentaient de limiter son influence, Edouard Drumont sut surtout exploiter la machine médiatique. Avant d’être balayé par l’affaire Dreyfus et le "J’accuse" de Zola, qui eut l’intelligence de ne pas même mentionner le nom de Drumont "Il fait partie de ces petites boursouflures que le monde médiatique peut créer, et d’ailleurs après "J’accuse", il disparaît, il est fini. Zola l’a tué ! C’était presque un homme d’affaires, sauf que les affaires qu’il brassait étaient veules, minables. Il ne faut pas hésiter à l’enfoncer, ce personnage", avance Denis Podalydès, qui prend un plaisir certain à incarner cette "raclure", ce prince illuminé de la calomnie, intellectuellement limité, toujours prêt à en découdre, sur le terrain de la sphère publique, dans les salons ou les duels.
Malgré l’énormité de ses écrits, déclamés face caméra à la manière de l’aparté au théâtre, ou de ses injures vulgaires au perchoir, Edouard Drumont continuera d’en inspirer certains, tels le maréchal Pétain Ou Jean-Marie Le Pen. Le leader du Front national reprendra même comme slogan de campagne le sous-titre du journal de Drumont, "La France aux Français". Ainsi qu’il est suggéré dans le début et la fin de ce docu-fiction, nourris d’actualités de 1944 qui font froid dans le dos, la défaite de l’antisémitisme français enregistrée à l’occasion de l’affaire Dreyfus ne fut que provisoire. C. G.