Economie de marché dénaturée
Pourquoi, quel que soit le magasin, un iPhone Apple, une télévision Samsung ou une machine à laver Miele coûtent, à quelques euros près, le même prix ? Les trois entreprises mondiales le démentent officiellement, mais les distributeurs rencontrés par l’équipe de Questions à la une H H l’affirment sans détour : elles imposent leurs prix. Ne laissant qu’une marge infime au revendeur, parfois condamné à vendre le produit plus cher que la marque elle-même sur la toile
Publié le 20-03-2013 à 04h15
Scandales Pourquoi, quel que soit le magasin, un iPhone Apple, une télévision Samsung ou une machine à laver Miele coûtent, à quelques euros près, le même prix ? Les trois entreprises mondiales le démentent officiellement, mais les distributeurs rencontrés par l’équipe de Questions à la une H H l’affirment sans détour : elles imposent leurs prix. Ne laissant qu’une marge infime au revendeur, parfois condamné à vendre le produit plus cher que la marque elle-même sur la toile
Cet exemple parlant n’est que la face visible (bien qu’illégale) d’un iceberg bien plus vaste, sur lequel enquête ce soir le magazine de la RTBF : l’entente sur les prix. Où l’on découvre que la pratique du cartel, présentée par certains libéraux eux-mêmes comme "le cancer de l’économie de marché", est bien plus répandue qu’on ne le croit. Dans quelques semaines, l’autorité belge de la concurrence devrait ainsi rendre un avis sur un immense scandale : de 2002 à 2007, sept grands distributeurs belges ont procédé, avec l’aide de 11 fabricants, à des "hausses coordonnées des prix de vente". Au lieu de laisser jouer la concurrence pour faire baisser les prix, on s’est au contraire arrangé pour les maintenir à un niveau artificiellement élevé. Pratique qui arrange tout le monde, sauf les consommateurs, grugés ainsi de plusieurs millions d’euros !
A Bruxelles, à la Direction générale de la concurrence, un millier de fonctionnaires européens travaillent quotidiennement pour tenter de débusquer les preuves de ces ententes illégales. Avec des équipements dignes des "Experts", ils parviennent ainsi à retrouver e-mails ou sms (même effacés) qui pourront confondre les dirigeants suspectés de fraude. De 1990 à 2012, l’Union européenne a ainsi étudié 702 dossiers et infligé des amendes pour un montant total de 18 milliards d’euros ! Pourtant, certaines entreprises, prises la main dans le sac, récidivent. Malgré les montants astronomiques déboursés par les contrevenants (44 millions pour Danone, 149 pour Nintendo, 462 pour Air France/KLM, 497 pour Microsoft ou même jusqu’à 896 millions pour Saint-Gobain !), les bénéfices perçus illégalement restent en effet parfois supérieurs aux amendes
Le cartel des banquiers
Et ces cas d’ententes illégales ne sont pas limités qu’aux grandes entreprises manufacturières. Le plus important cartel de l’histoire s’est en effet réuni dans le quartier d’affaires de la City à Londres. De 2005 à 2010, les trésoriers d’une vingtaine de banques mondiales s’y sont entendus pour manipuler le Libor, taux interbancaire mondial de référence qui détermine les taux hypothécaires, des crédits à la consommation Le tout, comme toujours, pour maximiser les profits d’une finance devenue folle. "Depuis le début de la crise financière, pas un seul banquier, même dans les cas de fraude avérée, n’a été inquiété, appréhendé, jugé. Pas un seul", se désole un économiste.
Un avant-goût de l’excellent Inside Job H H H, proposé dans la foulée de "Questions à la une" à 22 h. En 2010, Charles Ferguson y dévoilait, point par point, les mécanismes du krach financier de 2008, démontant l’ingénierie financière qui a conduit à la crise des subprimes. "Un coup de massue ! Car savez-vous ce que sont devenus les auteurs de ce hold-up de l’intérieur ? Ils sont les conseillers économiques d’Obama. C’est dire qu’on peut avoir confiance en l’avenir. A moins d’être banquier bien entendu. La dérégulation ne craint rien, le lobbying financier a entièrement corrompu -au minimum mentalement- le monde politique et plus encore le monde académique", écrivait notre collègue Fernand Denis lors de la sortie en DVD d’"Inside Job", oscar du meilleur documentaire en 2011