La chute d’un géant américain
C’est l’histoire d’une gigantesque tromperie. D’un mythe qui s’effondre. D’un héros du cyclisme mué en tricheur sans scrupules. Armstrong : les secrets d’un parrainH H , numéro captivant de la série "Les Documents de Complément", s’attaque à l’icône d’Austin (Texas). Avec son savoir-faire et son sens du récit, "Complément d’enquête" démonte en 52 minutes les rouages du système Armstrong, digne d’un réseau mafieux.
Publié le 21-03-2013 à 04h15
Mafieux C’est l’histoire d’une gigantesque tromperie. D’un mythe qui s’effondre. D’un héros du cyclisme mué en tricheur sans scrupules. Armstrong : les secrets d’un parrainH H , numéro captivant de la série "Les Documents de Complément", s’attaque à l’icône d’Austin (Texas). Avec son savoir-faire et son sens du récit, "Complément d’enquête" démonte en 52 minutes les rouages du système Armstrong, digne d’un réseau mafieux.
Début 2013, celui que l’on surnommait "Le Parrain du Tour" a été radié à vie par l’Union cycliste internationale et déchu de ses sept titres de vainqueur du Tour de France. Le 17 janvier, Lance Armstrong confesse froidement s’être dopé devant les caméras d’Oprah Winfrey. Mais il ne dit rien du "système de dopage le plus sophistiqué de l’histoire du sport", qui lui a permis de tricher sans jamais être contrôlé positif !
Exclusivité
Le journaliste Romain Verley décroche d’abord un entretien exclusif pour la télévision française avec le plus proche coéquipier d’Armstrong, Tyler Hamilton, celui qui osa briser l’omerta. Dans un moment d’anthologie, digne d’un polar, ce dernier explique en détails comment s’opérait le dopage des champions, dans une suite d’hôtel proche de celle qu’ils occupaient avec Lance Armstrong pendant le Tour de France : le calfeutrage de la chambre transformée en "salle de shoot", l’extinction des téléphones portables, la manière d’accrocher les poches de sang frais sur un cintre de penderie accroché au mur, le rôle exact joué par les médecins, la façon de se débarrasser des seringues, l’EPO disposé dans le frigo "à côté du beurre et de la confiture", etc.
La démonstration se poursuit avec un historien du cyclisme ayant mis au point une équation permettant de mesurer la puissance (en watts) d’un coureur. La méthode, appliquée à l’étape de l’Alpe d’Huez du Tour de France de 2001, est imparable : la "fusée Armstrong" (qui avait feint d’être diminué avant d’opérer une remontée fantastique) avait fait montre ce 17 juillet d’une "surpuissance inhumaine". Autrement dit, le cycliste n’aurait jamais pu réaliser un tel exploit sans être dopé. La journée est racontée par son principal challenger lors de cette étape, Laurent Roux, qui reconnaît s’être lui aussi dopé, mais "seulement" à la testostérone, un produit moins efficace que le puissant cocktail d’Armstrong. "Si j’avais eu le même produit, j’aurais sans doute fait comme lui", reconnaît-il. Après avoir été contrôlé positif deux fois, Laurent Roux fut suspendu pour quatre ans.
Le reportage remonte aussi la piste du "génie" du système, celui qui a permis au leader de l’US Postal de passer pas moins de 500 fois entre les mailles du filet anti-dopage : le Dr Michele Ferrari, un médecin italien retranché depuis 6 mois dans sa propriété de Ferrara. Il y a encore "Motoman", le présumé livreur clandestin d’EPO, qui se montre plutôt embrouillé dans ses explications, piégé en caméra cachée.
Ce document revient par évidemment sur la story Armstrong, un athlète hors normes ressuscité après huit mois de combat contre un cancer des testicules accompagné de métastases au cerveau. Un combat qu’il exploitera largement, telle une carte de visite, pour apparaître en sauveur sur le "Tour du renouveau" en 1999, un an après le scandale de l’affaire Festina. La déception sera d’autant plus grande, notamment pour le patron du Tour de France de l’époque, Jean-Marie Leblanc, qui conserve malgré tout une certaine admiration pour la performance.
L’affaire Armstrong est enfin le reflet d’un cyclisme gangrené par les pressions et les compromissions à tous les échelons. Un milieu verrouillé qu’un comité de résistance tente de moraliser, sans pour autant être parvenu jusqu’ici à démettre de leurs fonctions les têtes de l’Union cycliste internationale. Marie-Georges Buffet, ex-ministre française des Sports, parle d’ailleurs de ses rapports difficiles avec Hein Verbruggen, toujours président d’honneur de l’UCI, et de son incapacité à imposer sa loi antidopage sur le Tour.