Jean-Pierre de Launoit, président du Concours Reine Elisabeth et du Télévie, s'est éteint (PORTRAIT)
Le comte Jean-Pierre de Launoit, connu pour être le président du Concours Reine Elisabeth et l'un des pères du Télévie, s'est éteint à l'âge de 79 ans. Evocation par Guy Duplat.
Publié le 12-11-2014 à 14h52 - Mis à jour le 13-11-2014 à 06h58
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Le comte Jean-Pierre de Launoit, connu pour être le président du Concours Reine Elisabeth et l'un des pères du Télévie s'est éteint à l'âge de 79 ans, a-t-on appris de bonnes sources.
« L’art, lui, est éternel », disait-il.
Jean-Pierre de Launoit, président du concours reine Elisabeth, grande figure du monde culturel et économique, s’est éteint ce mercredi à 79 ans.
C’est une grande figure du monde culturel et économique belge qui s’est éteinte ce mercredi. Le Comte Jean-Pierre de Launoit est mort des suites d’une maladie. Il aurait eu 80 ans le 5 janvier prochain.
Le grand public le connaissait d’abord pour son action dans le domaine musical. Depuis 1987, il présidait le conseil d’administration du concours Reine Elisabeth, un poste que son père Paul de Launoit (1891-1981) avait déjà occupé jusqu’en 1978. Chacun avait pu croiser à toutes les étapes du concours, sa longue silhouette d’échassier, attentive à tous, aux musiciens, comme aux spectateurs. Passionné de musique, amoureux de ce concours, il adorait initier chacun aux plaisirs de la musique et de l’art. Avec la gentillesse exquise et la prévenance des vrais aristocrates du coeur.
On pouvait le voir discuter en souriant, aussi bien avec une ouvreuse, qu’avec la famille royale qu’il accompagnait dans sa loge. Aux intermèdes, on le voyait glisser un commentaire dans l’oreille de la princesse ou de la reine. Il fut un proche de la famille royale, y jouant le cas échéant, en toute discrétion, un rôle de conseiller, de constructeur de ponts, un rôle qu’il exerçait dans toutes ses activités et dans lequel il excellait.
Aidé par Gérard Mortier et José Van Dam, il créa en 1988 le concours de chant, à côté de ceux du piano, du violon et de la composition. Il en était très fier.
L’Alliance française
Il avait appris à aimer la musique dès sa prime jeunesse, sa mère l’ayant amené déjà au concert à l’âge de quatre ans. Il suivait des cours de piano et était membre des jeunesses musicales.
On le voyait tout aussi régulièrement à la Monnaie, dont il était un véritable pilier et fut un ami personnel de Bernard Foccroulle, aujourd’hui directeur du festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence. Là aussi ce passionné d’opéra et de musique baroque, adorait faire partager son amour et ses connaissances à ses invités.
La famille de Launoit est aussi à la base de la Chapelle musicale reine Elisabeth à Waterloo. C’est le père, Paul de Launoit, qui en fut l’initiateur en offrant le terrain et aujourd’hui, c’est Bernard de Launoit, le fils de Jean-Pierre, qui dirige le lieu, lui ayant donné un rayonnement mondial, formant les meilleurs jeunes musiciens dans des master classes et à travers un compagnonnage sur scène sans oublier un agrandissement des infrastructures en cours.
Depuis 2004, Jean-Pierre de Launoit, homme d’amitiés et de réseaux, avait occupé, jusqu’à l’été dernier, quand sa santé avait trop décliné, un nouveau poste qu’il prenait fort à cœur : il présidait l’Alliance française, ce réseau culturel français créé en 1883 à Paris et qui est le premier réseau culturel mondial, avec 1040 implantations dans 136 pays et 5 continents. En 2010, il cosignait avec Erik Orsenna et Bernard Pivot, dans « Le Monde », un plaidoyer vigoureux pour cette institution : « La modernité de son organisation, qui fait reposer les échanges culturels sur un partenariat véritable, incarné par des interlocuteurs étrangers généreux et passionnés, la souplesse de son financement, fondé sur les ressources propres et un soutien public maîtrisé, lui donnent aujourd'hui la conviction d'incarner l'avenir. »
RTL-TVI & le Télévie
Mais Jean-Pierre de Launoit fut d’abord un financier et un industriel. Il avait fait des études de droit et de sciences économiques à l’UCL. La liste de ses fonctions et mandats est impressionnante. Là aussi, il était recherché pour ses capacités de « facilitateur », son entregent, sa capacité à créer des liens quand les conflits menacent. Il était en fait un homme de consensus, qui n’aimait pas les conflits et s’employait à les résoudre.
Celui qui fut un proche d’Albert Frère et un des piliers de GBL, le groupe Bruxelles-Lambert, en était vice-président et administrateur-délégué. Il était arrivé chez GBL suite à la fusion entre le groupe Lambert et Brufina (groupe de Launoit) qui avait dans sa corbeille le "petit bijou" Audiofina (RTL). Difficiles au début, ses relations avec Albert Frère se sont améliorées avec le temps. Il fut aussi vice-président de la BBL, la Banque Bruxelles-Lambert et président d’Axa Belgique, l’ex-Royale Belge. Il a essayé de retenir certains fleurons (dont BBL) en Belgique, mais sans beaucoup succès, tout au plus a-t-il retardé la vente de BBL. Il présida la compagnie des Wagons-lits, et, administrateur de Petrofina, il fut un de ceux qui aida au rapprochement puis à la fusion avec Total.
Mais dans ses postes « économiques », le grand public retiendra surtout sa présidence de RTL, la compagnie luxembourgeoise de télédiffusion et d’Audiofina. Il a présidé le groupe RTL durant 25 ans avant de céder la place à Gérald Frère, le fils d’Albert Frère. En 2001, il expliquait à notre journaliste Nicolas Blanmont : «Certains des programmes de RTL-TVi ne sont pas ce que je préfère, mais je suis heureux du succès de la chaîne; elle ne ferait pas vivre 800 personnes en faisant les programmes d'Arte. J'ai apporté certaines connotations, j'ai fait des compromis mais jamais de compromissions.»
Philippe Delusinne qui dirige RTL Belgique depuis 2002, fut recruté par Jean-Pierre de Launoit dont il est resté très proche jusqu’à la fin. Il témoigne : « Jean-Pierre de Launoit restera "l'ami" de la maison RTL au sein de laquelle il fut un inspirateur éclairé et un censeur mesuré . C'est au sein de RTL qu'il créera l'œuvre, dont il me confessait encore il y a quelques jours qu'elle était sa plus grande fierté , le Télévie. Sa présence , ses conseils , notre amitié , nos petits déjeuners matinaux chez lui me manquent déjà. »
Dans la même interview à Nicolas Blanmont, il précisait son amour tout particulier pour l’art et la science : « La vie professionnelle est une chose, mais ce qui transcende le temps est ce qui touche aux domaines de l'art et de la science. Dans le politique et l'économique, il y a des bouleversements; dans l'art et la science, il y a la pérennité. C'est l'art et la science qui resteront dans cinquante ans.»
La famille
Jean-Pierre de Launoit préférait rester discret, plutôt dans l’ombre. Et là aussi, il était infatigable. Il soutenait de nombreuses fondations caritatives, à commencer par la création du Télévie à RTL et la fondation Yehudi Menuhin. Très attaché à la Belgique et à la famille royale, il était sympathisant du groupe de pression B Plus.
Il vécut toute sa vie à Uccle dans la région bruxelloise, qui l’a fait citoyen d’honneur en 2011, en particulier pour son combat pour « la qualité de vie de la commune ». Il fut en effet à la base avec l’ex-Monsieur météo, Jean-Louis Van Hamme, de la création il y a 40 ans, du « comité de quartier Fond Roy » qui s’illustra d’abord en s’opposant à ce que le futur Ring de Bruxelles coupe la commune en deux, en traversant la vallée de Saint-Job. Il combattit aussi, par exemple, les nuisances de l’incinérateur de Drogenbos.
Il fut marié pendant près de 25 ans à la baronne Barbara von Schmidburg dont il eut trois fils : Yvan, Bernard et Michel, à qui il a transmis ces valeurs et ses passions. Bernard de Launoit a, comme on le sait, repris cette passion entrepreneuriale en musique en dirigeant la chapelle musicale reine Elisabeth, les nuits de Beloeil et d’autres activités artistiques.
Une des grandes joies de Jean-Pierre de Launoit, ces dernières années, fut de s’occuper de ses onze petits-enfants.
Les salles d’Opéra, les lieux de concerts seront désormais un peu plus tristes, un peu plus vides, sans le charisme de celui qui aimait tant y goûter la beauté et l’éternité possible des choses.