Une plateforme vidéo francophone de service public pourrait voir le jour
On sait que Les médias francophones publics (radio et télévision) vont fusionner au sein d’une même institution. Mais saviez-vous que La future plateforme permettra aux Canadiens, Français, Suisses et Belges d’échanger et de produire de multiples programmes à moindre coût ?
Publié le 31-10-2015 à 06h53 - Mis à jour le 01-11-2015 à 15h57
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Les dirigeants de France Télévisions, de Radio France, de la Radio-Télévision suisse (RTS), de la RTBF, de CBS (Canada) TV5 Monde et TV5 Québec-Canada créent une nouvelle communauté professionnelle : les Médias francophones publics (MFP). France Médias Monde (FR24 et RFI) pourrait bientôt les rejoindre. Cette nouvelle institution naîtra officiellement le 1er janvier 2016, de la fusion des Radios francophones publiques (RFP) et de la Communauté des Télévisions Francophones (CTF).
"Il y a eu une volonté conjointe, dans un souci de convergence des médias, de fusionner toutes les activités dans une seule et même organisation qui traiterait aussi bien de télé que de radio, que de web, indique le futur secrétaire général, le Belge Eric Poivre. Dans un contexte de concurrence accrue, de mondialisation des contenus, de diffusion des Gafa (Google, Apple, Facebook, Amazon) - et de Netflix - nous avons voulu renforcer les collaborations en termes de coproduction et affirmer une identité commune de service public francophone dans un monde de plus en plus anglophone."
Respectivement nées en 1955 et en 1965, les RFP et la CTF ont permis de nombreux échanges d’actualité. En 1960, ces échanges - devenus quotidiens - concernaient quelque 2 000 enregistrements. Deux fois par jour, en multiplex, chaque radio proposait ses sujets enregistrés à l’autre bout de la ligne : à Montréal, Lausanne, Bruxelles ou Paris.
"Une sorte de vente à la criée à distance mais totalement gratuite, indique Annette Ardisson, de chez Radio France. Le cap des 4 000 sujets échangés a rapidement été franchi mais aujourd’hui, les envois et les demandes sont plus sélectifs. Une moyenne de 240 sujets par mois est échangée. Ce qui fait quand même presque 3 000 par an. Quand l’actualité est calme, l’étiage est d’environ quatre sujets par jour, intéressant deux ou trois partenaires. Quand elle s’emballe, on passe à onze ou douze, comme ce fut le cas pour la fusillade d’Ottawa, les émeutes de Fergusson, les attentats contre Charlie Hebdo et la supérette casher de Vincennes, ceux de Tunis ou lors du crash de l’avion de la Germanwings."
Coproductions
En dehors de l’actualité quotidienne, les échanges sont également nombreux dans le domaine des programmes musicaux, documentaires, jeunesse, culturels, de fiction ou de divertissement. Ils s’insèrent dans des rendez-vous d’antenne existants ou font l’objet de cases spécifiques comme ce fut le cas cet été sur France Inter avec "L’espace francophone", le samedi après-midi. A la RTBF, des programmes (co)réalisés par leurs partenaires francophones sont régulièrement accueillis dans l’émission "Par ouï-dire", sur La Première en soirée, et à la RTS dans l’émission "Entre les lignes" sur Espace 2, en fin de matinée, ainsi que sur France Culture dans "Sur les docks". Les échanges concernent tant les journalistes que les animateurs et les réalisateurs ou ingénieurs du son.
Ces dernières années, plusieurs thématiques ont également bénéficié d’une couverture conjointe à travers le rendez-vous hebdomadaire "L’actualité francophone" (émissions spéciales réalisées à quatre), ou des interviews grand format et exclusives (Bill Clinton en 1994 et Jacques Chirac en 1997).
Nouveau modèle économique
Toutefois, c’est sur le terrain du reportage que les synergies ont été les plus fécondes ces dernières années. Quatre journalistes enquêtent désormais sur une même thématique tout en variant les angles. Une économie d’échelle à ne pas négliger : quatre reportages pour le prix d’un.
"Pour nous, il s’agit d’un gros potentiel, soutient Frédéric Ledoux, président de TV Prod, qui regroupe les producteurs indépendants belges. Cela va nous ouvrir les portes de nouveaux marchés. Alors c’est sûr que d’autres entrants vont arriver chez nous aussi mais ce sont au moins des concurrents avec qui nous partageons des valeurs communes, qui respectent les mêmes contraintes que nous, avec qui nous échangeons à travers des plateformes et avec qui nous pouvons discuter".
Eric Poivre: "Créer un lobby plus cohérent"
Nommé pour un mandat de quatre ans renouvelable à la tête de Médias francophones publics (MFP), le Belge Eric Poivre prend ses marques, dans les bureaux de la maison de la radio à Paris. Il évoque la création d’un Netflix francophone européen.
Pourquoi cette fusion ?
Pour coproduire davantage, pour développer de nouveaux projets plurimédia et pour créer une plateforme qui nous permettent de parler d’une seule voix dans certains débats importants auprès des institutions officielles comme l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), l’Unesco, l’Europe, l’Union européenne de radiodiffusion (UER). Il y aura donc davantage de veille stratégique, économique, technologique, et enfin, une collaboration accrue au niveau des échanges et des coproductions qui va alimenter les membres avec de nouveaux projets dont l’objet éditorial correspondra à notre identité unifiée.
Quel sera votre objet éditorial ?
Le rôle des chaînes restera de développer l’ancrage dans le terreau culturel local et pour les MFP, ce sera l’inverse, nous allons mettre à jour, qualifier et proposer aux membres des projets dont l’objet éditorial transcendera nos quatre cultures. Nous offrons un ancrage local par le biais des intervenants mais les thématiques - traitées à travers des programmes uniques - seront plus généralistes comme la langue française, le patrimoine, la chanson française, la gastronomie, le tourisme, etc. Et ce, dans tous les genres (fictions, séries, divertissements, culture, jeunesse, etc.).
Sur base de quel modèle économique ?
Celui des coproductions notamment, est un modèle qui est pertinent et dégage des économies substantielles. Dans une collection de quatre programmes par exemple, chaque membre financerait un épisode et recevrait les trois autres gratuitement. On est dans des montants de collection qui vont coûter 25 % du prix global. La difficulté sera de trouver des thématiques qui conviennent aux quatre pays et des formats de programmes et de programmations qui vont leur convenir. Pour certaines chaînes, les attentes et les ambitions pour du primetime ne sont pas les mêmes. Il va donc falloir faire un travail d’harmonisation dans ces formats de manière à ce qu’ils puissent occuper des cases de programmation similaire dans des périodes similaires. C’est ça la plus grande difficulté : trouver le plus grand dénominateur commun.
C’est une manière de stimuler l’emploi ?
C’est surtout une manière de stimuler la créativité qui proviendra à la fois des tissus de production interne des membres mais aussi des circuits de production externe. Depuis ma prise de fonction, j’ai rencontré le réseau de producteurs indépendants français et belge que j’ai sensibilisé à cette nouvelle organisation. Nous avons parlé des projets qu’ils pouvaient nous faire remonter - à condition qu’ils rencontrent nos objectifs éditoriaux.
N’y a-t-il pas un risque d’homogénéisation des programmes ?
A partir du moment où un projet est repéré, il est proposé aux directeurs de programme qui peuvent s’exprimer sur l’approche éditoriale. Ensuite, des groupes de coordination rassembleront des représentants de chaque pays et certains membres seront chargés de veiller au bon développement, à la fois éditorial et artistique, des programmes créés au sein des MFP.
Est-il question de développer un Netflix de service public francophone ?
Oui, très clairement.