"Baron Noir": Série édulcorée sur un monde d’hyper violence
On sait que "Baron Noir" avec Kad Merad, Niels Arestrup et Anna Mouglalis est diffusée sur Be Séries, ce samedi dès 20h30. Mais saviez-vous que les 8 épisodes de cette série politique écrite par Éric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon s’inspirent de leurs rencontres avec des hommes et femmes au pouvoir ? Entretien.
Publié le 07-05-2016 à 18h41 - Mis à jour le 07-05-2016 à 21h35
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/REREKN6INRFOFH7JIKPUKIP2XY.jpg)
On sait que "Baron Noir", la nouvelle série originale de Canal +, avec Kad Merad, Niels Arestrup et Anna Mouglalis est diffusée sur Be Séries, ce samedi dès 20h30. Mais saviez-vous que les 8 épisodes de cette série politique écrite par Éric Benzekri et Jean-Baptiste Delafon s’inspirent de leurs rencontres avec des hommes et femmes au pouvoir ?Canal + voulait une série politique à l’anglo-saxonne, inscrite dans la réalité française, transcrite dans des familles politiques bien définies, au contact d’organes de presse bien identifiés. Eric Benzekri, coscénariste de la série "Baron noir", l’a fait. Rencontre avec cet (ex-) militant PS.
"Baron noir" n’est pas une série à clé, dites-vous. Mais à travers le personnage de Philippe Rickwaert, on reconnaît pourtant Julien Dray, Arnaud Montebourg…
Julien Dray, c’est certain. Arnaud Montebourg, aussi. Jean-Luc Mélenchon et Manuel Valls, par certains côtés, entre le 5e et le 8e épisode. Ce qui nous a inspirés, c’est cette génération d’hommes politiques à laquelle appartiennent Dray, Montebourg et Jean-Christophe Cambadélis, des pontes du parti socialiste. L’inspiration naît du réel. Mais pour dessiner la trajectoire romanesque de Philippe Rickwaert, dans son entièreté et sa vérité, il aurait fallu bien plus que trois ou quatre personnages réels !
Quelle est la spécificité de cette génération-là ?
Elle est travaillée par deux courants a priori contradictoires. Une partie vient de l’école militante, des organisations de jeunesse, dans les années 70. Dans le sillage de François Mitterrand, elle prend le pouvoir sur une droite qui a longtemps dominé, un peu comme on assiège un château. En même temps, dès 1981, une mise aux normes de cette génération s’est produite à travers les grandes écoles. Ce frottement-là crée la particularité de cette génération prise entre deux volontés, celle d’une radicalité et celle d’un sérieux dans les affaires. C’est toute l’histoire de la conquête et de l’exercice du pouvoir de la gauche, depuis Léon Blum, en 1936.
Auriez-vous pu écrire la même série sur la droite française ?
Elle est exactement transposable à droite. Nicolas Sarkozy a utilisé des méthodes "Rickwaertiennes". Parfois terrorisant, souvent séduisant, amadouant, il a violenté la droite pour prendre le pouvoir. Si saison 2 il y a, nous explorerons davantage les familles de droite.
Pourquoi avoir choisi un député du Nord, bras armé du candidat à la présidentielle, comme héros ?
Mitterrand disait : le plus important c’est votre terre, votre circonscription. Quels que soient les résultats au plan national, si vous restez en place, vous ne sortez pas du jeu. Le plus important, pour Philippe Rickwaert, c’est Dunkerque. Sans fief local, il n’existe pas. On a voulu montrer, concrètement, comment fonctionne un territoire, des associations, l’équipe autour de soi. Et comment, au final, il y a une contradiction entre les intérêts d’un mandat local et ce qu’il faut accomplir pour avoir un destin national. Souvent, les deux s’opposent, alors qu’ils sont indissociables. Rickwaert se débat avec sa terre et en même temps avec Francis Laugier, son candidat à la présidentielle. Cette dichotomie est vraiment décisive. D’ailleurs, regardez bien les hommes politiques dans les médias. Ils passent leur temps dans les voitures. En réunion, ils sont rivés à leur téléphone portable. 24h sur 24h, ils restent connectés entre leur fief et le national, sur tweeter, dans les médias… c’est une lessiveuse ! Mais pour un scénariste, c’est un bonheur, parce que vous êtes dans l’urgence permanente.
Vous-même avez longtemps fait de la politique…
Ce n’est pas un secret. J’ai fait du syndicalisme lycéen, j’ai monté et détourné des manifestations, j’ai bloqué des rues, j’ai monté des AG étudiantes, j’ai cassé des coordinations. J’ai travaillé pour des députés, des sénateurs, des candidats à la présidentielle. J’ai écrit des discours pour ces candidats. Mais c’est une série, une fiction. Ne cherchez pas de message politique, ni de clé. C’est une série qui montre notre amour inconditionnel pour la chose politique. Car s’il n’y a pas de gens pour nous représenter, il n’y a pas de liant dans la société. Pour autant, ce n’est pas parce que l’on aime cette politique-là, qu’on doit tout lui pardonner. C’est un monde d’hyper violence que nous avons édulcoré dans Baron Noir. En politique, si vous voulez faire les choses parfaitement, il ne se passera jamais rien.
Un sentiment de réalité
"Lors de l’entre-deux tours des élections présidentielles, Philippe Rickwaert, un ‘baron’ du PS voit son avenir politique s’effondrer lorsque son mentor, le candidat de gauche, le sacrifie pour sauver son élection. Déterminé à se réinventer une carrière, Philippe va utiliser élections et temps forts politiques pour s’imposer pas à pas, contre celui qui l’a trahi, mais fort d’une alliance nouvelle avec la plus proche conseillère de son ennemi. Indispensable mais incontrôlable, aussi menteur que sincère, cultivant des amitiés dans toutes les strates de la société, y compris au sein de la police et du grand banditisme, sa vie est un fascinant chaos organisé, un combat de chaque instant contre ses ennemis et ses propres démons."
Canal+ résume bien sa nouvelle création originale réalisée par Ziad Doueiri qui donne un sentiment de réalité à la chose politique tant les histoires sont construites autour de situations réelles. "Le moteur narratif du récit, c’est bien la politique, confirme Jean-Baptiste Delafon, coscénariste de la série. Et quand nous décrivons le système de corruption des partis, nous ne jugeons pas la corruption de l’homme politique d’un point de vue moral, mais d’un point de vue politique. Nous montrons les conséquences de l’ambiguïté du personnage : sa perte d’autonomie sur des décisions qui peuvent être dévastatrices."
Jouer à retrouver les affaires qui ont éclaboussé la gauche française, c’est le réel plaisir que procure "Baron Noir" grâce à une triangulaire de personnages attachants. Philippe Rickwaert (Kad Merad), fils d’ouvrier, pour qui la politique est une fin, autant qu’un moyen. Francis Laugier (Niels Arestrup), sorte de Mitterrand, fasciné par Rickwaert, sa tête brûlée, qu’il va bientôt vouloir mettre sur l’échafaud. Amélie Dorendeu (Anna Mouglalis), grande bourgeoise parisienne, énarque passée par la Commission européenne, une lionne entre deux fauves.