Quand l’Allemagne de l’Est enlevait ses enfants

Au.M.
Quand l’Allemagne de l’Est enlevait ses enfants

La RDA a volé 10 000 enfants au nom d’une utopie. La Une, à 22 h 15.L’enquête fut "longue et difficile", reconnaissent Gadh Charbit et Anne Véron. Les deux réalisateurs livrent toutefois un document abouti sur "le mystère des enfants volés".

Dans l’ancienne République démocratique allemande (RDA), au nom d’une utopie éducative (centrée sur l’homme socialiste nouveau), le parti unifié, les services sociaux à l’enfance, la Stasi ont traqué les "anticonformistes".

Ils ont contrôlé les moyens de communication, espionné "des suspects" jour et nuit, arraché 10 000 enfants à leur famille.

Il s’agit d’une "estimation", rappelle toutefois les auteurs de RDA, le mystère des enfants volés H H H. "Il n’existe aucune donnée officielle."

360 avis de recherche

Jugés "asociaux" (notion volontairement floue), des punks, des rockeurs, des artistes alternatifs, des opposants politiques, des jeunes mères célibataires, des croyants bigots, des femmes au foyer, des pères trop protecteurs n’ont jamais revu leur progéniture. Grâce à des certificats d’abandon - signés sous la contrainte ou trafiqués - les enfants ont été placés dans des foyers pour mineurs (des goulags pour certains) ou dans de nouvelles familles proches du régime communiste.

Depuis, le mur de Berlin est tombé. L’URSS et ses Etats se sont effondrés mais des centaines de parents recherchent encore leurs enfants. Chaque mois, sur l’Alexanderplatz de Berlin, des victimes manifestent en affichant près de 360 avis de recherche.

A charge et à décharge

Gadh Charbit et Anne Véron livrent le témoignage - précieux, d’un point de vue historique - de la dernière ministre de l’Education en RDA, Helga Labs. Vingt-sept ans après la chute du mur de Berlin, l’ancienne présidente des "pionniers" (les enfants intégraient d’abord les pionniers, puis la Freie Deutsche Jugend), livre le même - et sinistre - discours de propagande. Or septante pour cent des familles reconstituées n’ont jamais réussi à retisser des liens après le retour des enfants.

"En RDA, le droit à l’éducation, au travail, au bonheur et à la joie était offert à tout le monde, quelle que soit sa position sociale, indique Helga Labs. Et nous avons donné une possibilité aux enfants dont les parents n’étaient pas à la hauteur de trouver un sens à leur vie."

Ses propos révèlent les mécanismes de constitution - et de propagation - du mythe du système éducatif est-allemand et permettent de mesurer l’écart entre le projet prométhéen de cet Etat éducateur et la réalité du mythe communiste.

Un déni glaçant

Si les faits ont été partiellement révélés par les médias, ils sont délibérément ignorés par les autorités allemandes. Le commissaire fédéral pour les archives de la Stasi a refusé de recevoir les deux réalisateurs, qui sont parvenus à dénicher des images d’archives rares. En l’occurrence des vidéos sur les enlèvements filmés par le service de police politique, de renseignements, d’espionnage et de contre-espionnage.

Ces images rappellent certains aspects méconnus du contrôle absolu exercé par l’Etat, des méthodes de terreur ouvertes à des techniques plus larvées, dont la "décomposition", instrument de destruction psychologique, visant au suicide des personnes ciblées.

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