La série Unité 42 soigne sa touche bruxelloise
- Publié le 21-02-2017 à 14h50
- Mis à jour le 21-02-2017 à 16h50
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En tournage jusqu’au 19 mai, la nouvelle série RTBF se filme et se construit dans les deux langues. Entretien. J’étais en train de terminer la dernière partie de la saison 1 de ‘Professeur T’ en flamand et il y avait une coupure dans le planning. J’étais libre. John m’a appelé et m’a montré le pilote réalisé par Guy Goossens et deux scénarios d’‘Unité 42’. J’ai dit oui", explique Indra Siera.
Pour relever le défi des séries, le producteur John Engel (Left Field Ventures) a opté pour un réalisateur flamand. Un choix dicté par l’expérience déjà acquise au Nord du pays et par le fait que le trio de scénaristes - Charlotte Joulia, Annie Carels, Julie Bertrand - avait été chercher de précieux conseils auprès de Guy Goossens. De retards en reports, ce dernier a décliné la réalisation d’Unité 42. Un job repris par trois de ses confrères : Indra Siera donc, suivi de Roen Mondelaer et Hendrik Moonen. A charge pour le premier de réaliser les épisodes 1, 2, 3 et 10 et de définir ainsi l’identité visuelle de la série, déjà préachetée par France 2.
Rendre les histoires personnelles plus fluides
"Le style de Guy Goossens était plus américain, davantage tourné vers l’action. Moi, j’aime proposer des choses étranges en termes de musique et d’images. J’avais envie de rendre l’histoire des victimes beaucoup plus touchante. Ce sont des choses que j’ai changées par rapport au scénario initial. Je voulais que Bob (Tom Audenaert) ait une femme africaine, que Nassim (Roda Fawaz) soit gay. Je voulais que l’équipe ait vraiment un passé et un futur, que les personnages soient plus développés et que leur histoire soit plus fluide. Pour moi, c’était vraiment nécessaire car c’est leur histoire qu’on va suivre. Je ne voulais pas d’un concept de série policière à l’ancienne. Même si chaque épisode présente une enquête bouclée, on a besoin d’avoir une arche plus longue qui permet de développer chaque rôle et nous entraîne à travers les épisodes. C’est ce qui fait que maintenant j’aime vraiment tous les personnages, leurs problèmes personnels… Cela rend l’histoire plus belle, je crois. C’est bien que l’épisode commence avec un puzzle et qu’il y ait quelqu’un qui résolve l’énigme à la fin mais, pour moi, c’est une série sur la ville de Bruxelles et cela doit être très humain. Même les meurtriers doivent être humains. Il faut qu’on s’interroge à la fin. Il ne faut pas rester seulement dans le divertissement."
Pour sa première expérience en français, l’Anversois ne tarit pas d’éloges au sujet de son équipe.
"La différence avec les tournages en Flandre, c’est que les histoires ici sont formidables… J’ai pleuré en lisant les scénarios. Ça ne m’était jamais arrivé. Je pense que du côté sud, ils parviennent mieux à raconter des histoires qui me touchent. Peut-être que je suis plus latin, plus baroque que je le croyais. Quand tu vois ‘La Trêve’ et ‘Ennemi public’, c’est ce qui a touché les gens. Ce que vous faites côté francophone, est incroyable. Il faut vraiment en être fiers. Il n’y a pas beaucoup d’argent, c’est un challenge difficile mais tout le monde fait de son mieux et cela se voit."
Dans l’équipe qui prépare la prochaine scène à tourner, on parle aussi bien français que néerlandais. "J’ai choisi un cameraman et un chef op que je connaissais mais comme on tourne beaucoup en Flandre, la plupart de ceux avec qui je travaille habituellement étaient pris", poursuit Indra Siera.
Une formidable différence culturelle
Le travail avec des comédiens francophones est aussi très différent, selon lui. "C’est incroyable et très intéressant. Même si c’est dur de temps en temps car les acteurs francophones ont toujours envie de discuter. En Flandre, je dis comment on va faire les choses et on y va, ça va vite et c’est très efficace. Alors qu’ici on discute, on va s’asseoir, etc. Mais on n’a pas le temps ! Donc j’ai dû m’adapter un peu car c’est un autre rythme. Normalement, je suis un despote, un peu éclairé j’espère, et, du coup, ça va vite. Ici, je dois me tempérer. Alors je leur dis : faites ce que je veux et on discutera après. Le résultat, c’est que finalement, on fait des choses très touchantes et très belles. J’aime vraiment tourner ici même si cela prend plus le temps. Il faut investir dans les émotions et pousser certains comédiens à économiser leur côté latin où on voit parfois trop le travail d’acteur. Il faut aussi être diplomate car la façon de dire les choses est très importante. Mais honnêtement, je suis ravi. Je n’avais pas imaginé une telle différence culturelle, c’est magnifique et ça m’a inspiré à fond."
Par-dessus tout, il se félicite du brassage belge avec des techniciens, acteurs et réalisateurs flamands et francophones "mais aussi des acteurs qui parlent arabe et berbère dans l’épisode sur le cyber-djihad, je trouve cela très riche. C’est cela qui est intéressant et qu’il faut montrer, c’est la richesse de notre pays. C’est ça qui est beau…"
Renseignement pris, seule la RTBF optera pour les sous-titres. Pour France 2, tout sera doublé.

"De la poésie, dans les deux langues"
Depuis la rue, une allée mène vers un petit parc en intérieur d’îlot qui s’étend jusqu’au pied d’un grand bâtiment central. Aujourd’hui y flotte le drapeau belge et le sigle officiel de la police. Avec les voitures officielles parquées çà et là on jurerait que l’ancien home du CPAS de Berchem Sainte-Agathe a vraiment été transformé en commissariat...
A l’intérieur du bâtiment, tous les bureaux sont occupés. Que ce soit par un décor de la série ou une activité de la production (stockage, secrétariat, etc). Les lieux ont été investis le 2 janvier par l’équipe décoration le temps pour elle de créer la cantine, une salle d’autopsie, l’open space de l’Unité 42, le stand de tir, mais aussi la salle d’attente d’un hôpital, etc. Soit un maximum de lieux prévus dans le scénario afin de rentabiliser le temps (de l’équipe) et l’espace (de location).
"C’est fascinant de voir chaque pièce transformée en un décor différent. C’est notre Cinecitta de Berchem Sainte-Agathe", plaisante le comédien belge Patrick Ridremont.
La matinée de tournage s’achève à l’étage, tout près de la cantine. Cet après-midi, toute l’équipe s’installera en sous-sol là où officie l’Unité 42, à l’abri des regards. Cette fois, fini de traquer les tueurs en série dans les forêts wallonnes, l’action est résolument urbaine comme dans la série "e-Legal" en tournage à la fin 2016. La criminalité sur Internet est l’autre point commun entre les deux nouveautés attendues en 2017 à la RTBF. L’une se focalise sur le travail des avocats tandis que l’autre explore celui des policiers.
Pour camper cette unité spéciale s’attaquant à des enquêtes aussi lourdes sur le plan émotionnel que délicates sur le plan technique, la production a fait appel à un trio d’acteurs emmenés par Patrick Ridremont alias Samuel Leroy, chef de l’Unité 42.
Des projets ambitieux qui attirent les comédiens
"J’ai été très flatté d’avoir été appelé par la RTBF avec laquelle j’avais déjà travaillé. Je l’étais d’autant plus que c’était pour travailler avec des réalisateurs flamands. Cela ouvre de nouveaux horizons. Pourtant mon agent m’a dit de bien réfléchir : tu vas être bloqué pendant 5 mois pour une somme qui n’est pas celle que tu pourrais gagner en France. A ce moment-là, l’écriture était encore en cours et ‘La Trêve’ et ‘Ennemi public’ n’avaient pas encore été diffusées. Ce n’est pas en fonction de leur succès que je me suis décidé. Au départ, j’ai dû décliner pour des questions de dates. Mais le tournage a été retardé. C'omme si le rôle m’avait attendu…"
Tant Constance Gay (sa partenaire Billy Weber) que Tom Audenaert - il campe le policier Bob Franck - se félicitent du brassage des langues au sein de l’équipe. La première vit "comme une chance inouïe le fait de participer à cette nouvelle vague, vu la réputation du cinéma belge". Le second se réjouit de "participer à des projets ambitieux, perfectionner son français et incarner un flic plus compétent que dans ‘La Trêve’" (rire).
Roda Fawaz (leur collègue Nassim Khalouani) salue l’univers riche et très particulier d’Indra Siera. "C’est une série très humaine, il y a beaucoup de poésie dans l’image et dans le traitement proposé par Indra. Il a un côté rock and roll qui m’a attiré ", confie le comédien. "On sent qu’Indra a sa vision du personnage, il nous dirige vraiment, il y va franco. C’est un vrai chef d’orchestre" , conclut Patrick Ridremont.