Aventures fantasmatiques et "Cyberlove"
- Publié le 23-02-2017 à 14h21
- Mis à jour le 23-02-2017 à 14h22
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Une websérie documentaire explore le sujet entre réel et virtuel. A découvrir sur creative.arte.tv.C’est une expérience sensorielle surprenante. Qui parle à nos yeux, nos oreilles, notre cerveau, notre imaginaire aussi. Dans Cyberlove, une websérie documentaire en dix épisodes de quelques minutes chacun, Laure Michel s’adresse à l’internaute à la deuxième personne du singulier, avec une voix de robot, sensuelle. Secondée par une réalisation aussi soignée que dans une fiction, elle nous embarque dans une aventure documentaire fantasmagorique. Construite comme une navigation insolite dans l’univers de l’amour virtuel.
MetaPhore, fiction virtuelle
Le sujet est exploré sous toutes ses facettes, le commentaire suscitant l’attente d’un épisode à l’autre. L’atmosphère, envoûtante, est nourrie tantôt de créations très graphiques, telle la fiction virtuelle "MetaPhore", signée Tutsy Navarathna, tantôt d’extraits de séries futuristes diffusées sur Arte ("Real Humans") et Arte Creative ("Osmosis"), ou encore du film "Her" de Spike Jonze, dans lequel le héros tombe amoureux d’une intelligence artificielle.
Chosifier ou être chosifié
De vrais interlocuteurs apportent leur éclairage sur ces rencontres, durables ou éphémères. Des relations intimes adviennent par le truchement d’une technologie qui repousse toujours plus loin les limites. Filmés dans des lieux improbables ou s’exprimant à distance sur webcam, qu’ils soient artistes, scientifiques, anthropologue, sexologue ou geek, ils livrent leur expérience, leur expertise et leurs fantasmes, d’aucuns étant convaincus qu’"on fait mieux l’amour depuis Internet".
La philosophe Elsa Godart, auteure de "Je selfie donc je suis", apporte une réflexion salutaire sur la "chosification de l’autre" provoquée par ces relations dématérialisées plus ou moins libertines.
"Je me sers de l’autre comme d’un objet, mais n’y a-t-il pas une nouvelle forme de jouissance à être chosifié ?", interroge-t-elle. Elle pointe aussi ce "souci d’égotisme exacerbé par des représentations constantes de soi sous la forme d’images éphémères, dont le selfie est évidemment l’emblème. Où il s’agit moins de chercher à se construire intérieurement qu’à s’exposer extérieurement".
Le point de vue de l’artiste Dries Verhoeven complète l’idée. "C’est une perspective très triste. Ça fait de nous des gens seuls qui utilisent les autres, qui consomment les autres pour confirmer que nous sommes des personnes de valeur."
Il est filmé dans une de ses installations, une maison de verre hyper-connectée dans laquelle il a mené, en plein Berlin, une série d’expériences virtuelles… ou réelles, allant de la lecture de poésie aux câlins. Il tente d’interpeller ses congénères, de les amener à porter un regard critique sur ces "appli" (comme le site de rencontres pour gays Grindr) "destinées à booster son ego", et sur ces "chasses aux trophées" qui permettent de "créer une image désirable de soi".
Pour aller plus loin encore dans la "cybersexploration", Laure Michel s’aventure du côté des cyborgs et autres robots, autant d’objets à forme humaine destinés à combler solitude et angoisses.