Monsieur Dictionnaire n’a pas dit son dernier mot: Rencontre avec Jacques Mercier
Publié le 18-03-2017 à 21h48 - Mis à jour le 19-03-2017 à 18h40
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Dimanche, à 15h30 et à 20h, "Le Jeu des Dictionnaires" remonte sur scène à Wolubilis (lieu culturel de la commune de Woluwe-Saint-Lambert, à Bruxelles). Diffusée de 1989 à 2011 sur La Première, l’émission fait désormais partie du patrimoine radiophonique belge et les chroniqueurs - qui ont fait les belles heures du programme - ont accepté de rejouer le jeu pour deux représentations "live".
Le concept ? Un invité doit trouver la bonne définition d’un mot français rare parmi quatre propositions faites par les membres de l’équipe. Une mécanique imparable qui donne lieu à des sketchs et autres histoires drôles, souvent burlesques.
Autour de deux monstres sacrés de l’humour belgo-déjanté - Jacques Mercier (interviewé en pages 2 et 3) et Virginie Svensson - Laurence Bibot, Bruno Coppens, Gilles Dal, Johan de Moor, Juan d’Oultremont, Philippe Geluck, Thomas Gunzig, Fred Jannin, Jean-Jacques Jespers, Pierre Kroll et Raoul Reyers se joueront à nouveau de la langue française.
L’ensemble des bénéfices sera reversé à DoucheFLUX. Fondée en 2011, l’ASBL veille au bien-être des plus démunis, avec ou sans logement, avec ou sans papiers, d’ici ou d’ailleurs, en organisant avec eux des activités et des événements et en leur proposant des services.
L’association tente par ailleurs d’ouvrir un grand bâtiment de 650 m², avec 20 douches, un salon-lavoir, 450 consignes et des permanences médicales (grâce à de nombreux partenariats).

On sait que Jacques Mercier est un écrivain, homme de radio et de télévision dont la carrière est marquée par des émissions phares. Mais saviez-vous que l’ancien journaliste sort son 51e livre et animera le "Jeu des dictionnaires" ce dimanche en version "live" ?
Depuis la fin de sa collaboration avec la RTBF en 2008, Jacques Mercier n’a pas vraiment pris de vacances. Celui qui a trouvé le ton juste pour transmettre les secrets de la langue française en radio et en télé pendant plus de 20 ans partage encore sa connaissance des mots de manières variées. La plus attendue par les fans de toujours est la double représentation du "Jeu des dictionnaires" qu’il animera à Wolubilis ce dimanche.
Comment pressentez-vous cette nouvelle représentation du "Jeu des dictionnaires" ?
Cela va être un grand bonheur. J’ai joué un rôle assez important dans l’organisation de ce rendez-vous. J’ai envoyé un mail à chacun avec le plan et des définitions à écrire. J’ai regardé l’actualité de chaque participant pour les introduire sur scène. Je crois que la magie sera de nouveau là, comme un réflexe. Et je sais qu’ils vont de nouveau se moquer de ma taille et des conneries de ce genre.
Vous vous adressez plutôt aux fans de toujours ou à un nouveau public ?
J’imagine que les gens qui ont payé une place avaient envie de voir ce qu’ils ont entendu en radio. Peut-être que des gens ont vu l’affiche et se sont dit que ça pouvait être drôle, peut-être que les personnalités attirent aussi. C’est un vrai spectacle quand même, c’est comme une centaine de mini-sketchs.
Cette représentation est un rendez-vous unique ou cela pourrait en amener d’autres ?
Ça sera un coup unique, c’est pour une œuvre. Je pense qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses et c’est très difficile de réunir tout le monde, pour une heure offerte grâcieusement. Si on ne dit pas que c’est un "one-shot", on peut y aller toutes les semaines et ça perdrait tout son intérêt.
La culture est aujourd’hui considérée comme ennuyeuse en télévision, elle est écartée du prime time. Selon vous, a-t-elle raté son adaptation aux médias ?
Il y a des formes de culture et d’art qui s’adaptent. Les programmes culturels ont disparu quand la société de consommation est arrivée dans les années 60. À partir de ce moment-là, le mot "culture" a été associé à ennui, Académie française, écrivains, cinéma d’essai… Une sorte de rupture que j’ai vécue durant toute ma carrière. Au moment où on m’a demandé de choisir entre la littérature et la musique, j’ai choisi la variété et pour la culture, je n’existais plus, j’avais basculé du côté populaire, du grand public. Le plus grand malentendu qui existe toujours dans les médias c’est qu’on confond quantité et qualité. On dit "c’est un bon livre, il est premier dans les ventes" mais ça n'a rien à voir. Ou on dit "c’est une bonne émission, elle fait autant d’audiences" . Non, elle est regardée par beaucoup de monde, c’est différent. On devrait avoir un calcul d’après l’idée de l’émission.
Comment la culture aurait-elle pu rester grand public ?
En faisant un compromis entre quelque chose de très culturel et quelque chose de ludique. C’est ce qu’on a essayé de faire avec "Forts en tête" en télé. Faire une sorte de jeu, un gai savoir mais dont la base était le patrimoine. C’était adapté et agréable à voir.
Et en radio ?
Bizarrement, parce qu’elle joue sur la voix et l’imaginaire, la radio s’est adaptée tout de suite, on ne lui fait pas ce reproche parce qu’il existe toujours des émissions culturelles, de musique classique à côté des autres, donc on peut choisir.
Depuis la fin du "Jeu des dictionnaires" en radio, pensez-vous qu’il y ait assez de culture sur La Première ?
Avant d’arrêter, je leur avais dit qu’il fallait garder le concept mais changer complètement. J’avais proposé de mettre quelqu’un comme Laurence Bibot qui aurait ajouté une pulsion féministe à l’émission. Ça aurait rebondi, je pense mais le problème, c’était l’argent. Maintenant, il existe des émissions comme celle de Walid ("C’est presque sérieux") mais ce n’est pas pareil, c’est plutôt un talk-show. Il y a les billets d’humour avec Gunzig, Bibot, etc. qui font ça bien et qui seront là dimanche.
Le livre et la presse sont-ils en train de s’adapter ?
On retombe toujours sur le livre, c’est le véhicule de la culture. D’ailleurs dans les émissions de télévision et de radio, on renvoie aux livres. Le livre est le refuge le plus sûr car tout peut y être expliqué et le livre numérique serait encore mieux mais il n’est pas encore entré dans les mœurs. La presse, c’est pareil. Je suis abonné au journal numérique sur Ipad. On va regretter l’odeur de l’encre sur le papier, mais on ne peut pas dire que c’était mieux avant. Les gens vont venir à ça et les libraires s’adaptent déjà. On peut prévoir ce changement et on a le temps de s’adapter.
Que penser d’Internet qui nous facilite la tâche et nous donne toutes les réponses ?
Je ne pense pas que le problème soit là. Je crois qu’on doit utiliser les outils mis à notre disposition et qui nous facilitent la vie. Mais la manière de connaître se porte ailleurs. Pour utiliser le Net, il faut traduire des nouveaux termes anglais et utiliser notre cerveau autrement. Google traduction n’est pas toujours juste, le truc c’est de recouper avec une application. J’ai toujours un onglet pour vérifier dans un dico en ligne ou sur le "Bon usage". La vitesse en journalisme est un vrai problème. Sur les chaînes de télé, j’entends des fautes de liaison. C’est inadmissible pour un JT aujourd’hui. Le journaliste a le temps de préparer son texte, de vérifier les mots, de chercher un synonyme.

L'équipe des débuts: (de gauche à droite dans le fond): Jean-Pierre Hautier, Marc Moulin, Jacques Mercier, Philippe Geluck et Jean-Jacques Jespers. Au premier rang: Soda, Virginie Svenson et Jules Metz (Monsieur Météo).
Le Jeu des dicos : 22 belles années radio
22 ans. C’est le nombre de saisons bouclées par la fameuse émission "Le Jeu des dictionnaires" à la RTBF. Programmée sur La Première et produite par Raoul Reyers, elle a suscité quelques sketchs mémorables et permis de révéler ou de porter à ébullition de nombreux talents comiques : Marc Moulin, Soda, Frédéric Jannin, Philippe Geluck avec son génial "Docteur G", mais aussi Jean-Jacques Jespers, Jean-Pierre Hautier, Virginie Svensson, Eric De Staercke, Laurence Bibot, Pierre Kroll, Juan d’Oultremont, Bruno Coppens, Gilles Dal, Thomas Gunzig, Jean-Luc Fonck, Nathalie Uffner, entre autres, et Alain Debaisieux pour les intermèdes musicaux,
2008. Un premier tassement d’audience est constaté au départ à la retraite de Jacques Mercier qui anime l’émission presque sans discontinuer depuis ses débuts radiophoniques. Le principe reste toujours le même : une fois par semaine, l’équipe se retrouve dans une salle de spectacle de Wallonie ou de Bruxelles et décortique la semaine écoulée à grand coup de second degré. "Le Jeu des dictionnaires" (émission quotidienne) et "La Semaine infernale" (émission de décryptage hebdomadaire) sont enregistrés au cours de la même soirée. Le flambeau sera repris durant trois années par Véronique Tyberghien.
Depuis juin 2011. Aujourd’hui le même type d’humour, de décryptage de l’actualité belge et de réunion de personnalités à l’humour breveté est à l’œuvre dans deux émissions de la RTBF : "Un samedi d’enfer" sur La Première et "Les enfants de chœur" sur VivaCité. "Le jeu des dictionnaires" n’a, en revanche, pas de successeur officiel dans le registre "jeu sur les mots", jeu sur la langue et dynamitage de l’actualité belgo-belge, en version quotidienne.
Radio et télévision. Même si c’est la version radiophonique qui est restée gravée dans toutes les mémoires, l’émission a connu une transposition en télévision : "La Télé infernale". De courte durée (2004-2005)…