Dieudonné plus dangereux que Charlie Hebdo ?

Virginie Roussel Correspondante à Paris
MESSIEURS LES CENSEURS, BONSOIR
©© EFFERVESCENCE

"Messieurs les censeurs bonsoir !" HH une histoire dela censure à méditer surFrance 2, à 22h55. Dans la France d’aujourd’hui, on ne peut pas tout dire. Est-ce le signe d’un progrès ou d’une régression ?"s’interroge Valérie Manns en préambule de son documentaire produit par Effervescence Doc. La réalisatrice ambitionne de dévoiler les formes actuelles de censure en s’appuyant sur des exemples historiques pour comprendre son impact sur l’art et l’information.

"Immersion Piss Christ", la photographie d’un crucifix plongé dans un bain de sang et d’urine par l’artiste Andres Serrano ouvre le débat. "Blasphème, sacrilège, offense" selon le journaliste Alain Escada, président de l’institut Civitas qui assume sa position de censeur : "Lorsque la liberté est détournée au service du mal, il faut qu’il y ait une autorité qui agisse pour y mettre fin." Mais l’Etat n’interdit pas l’œuvre. Bernard Stirn, président de la section du contentieux au Conseil d’Etat argumente : "La notion de blasphème est elle-même une notion religieuse, ce n’est pas une notion du droit républicain. Et par conséquent, la liberté d’expression touche à tous les sujets, y compris les sujets religieux. Il n’est pas interdit de se moquer de qui que ce soit et donc il n’est pas interdit de se moquer des religions par le droit laïque, par le droit républicain." En France, le délit de blasphème a été définitivement supprimé en 1881.

De "La Religieuse" de Jacques Rivette aux caricatures de "Charlie Hebdo" en passant par "Eden, Eden, Eden" de Pierre Guyotat aujourd’hui publié chez Flammarion, la réalisatrice s’attarde sur quelques cas de censures exemplaires. Un panorama qui révèle, en creux, combien l’interdiction est soumise à l’époque, à son idéologie. Aujourd’hui, la réalisatrice rappelle que sept hommes d’affaires détiennent la majorité de la presse française et que les industriels ont aussi conquis la télévision : "Le pouvoir réel des industriels est d’avoir provoqué chez les journalistes une autocensure", affirme-t-elle sans ambages. Reste une censure, en date de 2014, à travers laquelle Manuel Valls, ancien Premier ministre français, s’est particulièrement illustré : "Le mur", spectacle de Dieudonné. La réalisatrice établit le parallèle avec "Charlie Hebdo". Mais pour Bernard Stirn, conseiller d’Etat : "‘Charlie-Hebdo’ est un symbole de la liberté d’expression […] qui n’enfreint aucune valeur fondamentale […] Il n’y a jamais, jamais, d’appel à la haine ou à la discrimination." "Le Mur" pose problème : "‘Charlie Hebdo’ caricature l’intégrisme qui instrumentalise une figure religieuse, le prophète Mahomet, tandis que Dieudonné vise directement un groupe de personnes, les Juifs. En France, on a le droit d’offenser une religion, mais pas de stigmatiser des individus", explique la réalisatrice. En interdisant le spectacle, le Conseil d’Etat a créé un précédent dans la jurisprudence française.

Ce cas d’école aurait mérité le point des avocats de Dieudonné, David de Stefano et Sanjay Mirabeau qui livrent dans "Interdit de rire" paru aux éditions Xenia une véritable réflexion sur la fonction du comique dans la société et un réquisitoire sur ce qu’ils qualifient de dérive autoritaire.

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