Michel Cymes sonde les expérimentations médicales des nazis à Auschwitz: "Mes deux grands-pères y sont morts"
Le médecin signe un document adapté de son livre ancré au cœur du bloc n°10. A voir mardi soir sur France 2, à 22h45.
Publié le 30-01-2018 à 12h02 - Mis à jour le 31-01-2018 à 14h35
Le médecin signe un document adapté de son livre ancré au cœur du bloc n°10. A voir mardi soir sur France 2, à 22h45.
Michel Cymes, l’animateur santé de France Télévisions, a adapté pour France 2 son ouvrage paru chez Stock en 2015, Hippocrate aux enfers (sous-titré "Les médecins des camps de la mort"). La version documentaire est édifiante, empreinte de pudeur.
Quel a été le point de départ de votre démarche ?
Lors d’un voyage à Auschwitz, seul, il y a une dizaine d’années, parce que mes deux grands-pères y sont morts, je me suis retrouvé devant le bloc n°10, où se pratiquaient les expériences médicales. Je me suis demandé comment des médecins pouvaient, après avoir prêté le même serment que moi, faire des choses qui allaient complètement à l’encontre de ce pour quoi on fait ce métier. J’ai eu besoin de digérer ce voyage, de comprendre et j’ai attendu des années pour me lancer dans l’écriture de ce livre, pour m’y consacrer pleinement. Le fait d’avoir pris conscience de ma popularité au travers de palmarès m’a convaincu que ce livre pourrait avoir un impact.
Comment avez-vous enquêté ?
J’ai lu beaucoup, notamment ce livre incroyable, "Croix gammée contre caducée", écrit par le Dr Bayle, un médecin militaire français qui a suivi tout le procès de Nuremberg. J’ai aussi fait appel à des experts et à des médecins, notamment un spécialiste de l’aérospatiale, pour comprendre ce que ces expériences avaient pu donner. En fait, il n’est rien sorti de tout cela, parce que ces médecins n’avaient pas une bonne méthodologie et qu’il n’y avait pas tous les critères pour une étude scientifiquement valable. Mais j’ai découvert que notre cerveau de médecin peut donner des monstres qui justifiaient leurs travaux par le besoin de sauver un peuple, une armée.
Vous dites bien que ce sont des êtres humains normaux qui pratiquent des actes monstrueux au nom d’une idéologie délétère.
Je me suis demandé s’il s’agissait de mecs complètement fous qui, sans que personne ne soit au courant, essayaient de trouver quelque chose qui pouvait leur donner une notoriété. Ou si tout cela était institutionnalisé, légitimé par la faculté de médecine de Berlin, avec des gens compétents. Et c’est la deuxième réponse qui est la bonne.
Pour l’adaptation en documentaire, quelles ont été vos pistes de réflexion ?
Avec le réalisateur Jean-Pierre Devillers et la coauteure Claire Feinstein, notre cahier des charges était clair. Il fallait que les gens qui se mettaient devant la télévision ne l’éteignent pas. Nous avons beaucoup travaillé sur la façon de montrer, de dire, de faire ressentir, pour rendre les choses supportables. Les respirations musicales comptent beaucoup. Renaud Capuçon et son quatuor interprètent la partition. Les violons représentent les plaintes, les pleurs, dans la musique traditionnelle juive. Au moment d’enregistrer le commentaire avec la musique dans le casque, j’avais la voix cassée par l’émotion. J’apparais par ailleurs en silhouette à l’écran pour accompagner les gens dans les lieux qui ont marqué l’Histoire.
Vous continuez à travailler sur le thème des médecins nazis ?
Ce documentaire m’a donné envie d’aller plus loin sur certaines parties de la période, notamment la récupération des cerveaux par les Allemands et les Russes, ou le portrait des médecins Josef Mengele ou Carl Clauberg. Sous forme d’un documentaire, pour toucher plus de monde.
Par ailleurs, Michel Cymes a enregistré le 12 décembre un pilote de talk-show pour France 2, "une émission de bande plutôt décalée autour du bien-être". Le médecin campera également, au printemps, un médecin légiste dans la fiction "Meurtres en pays d’Oléron", sur France 3.