Saskia de Ville, la journaliste belge qui réveille la France en Musique
Publié le 02-02-2018 à 11h37 - Mis à jour le 02-02-2018 à 16h50
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Six ans passés à la matinale de Musiq’3 avant d’arriver sur France Musique qui marque un crescendo depuis novembre et décembre dernier : 1,7 % d’audience cumulée, la meilleure depuis 2003 selon Médiamétrie. Dès 7 heures, Saskia de Ville, tessiture mezzo, souffle délicatement dans les voiles de sa matinale ponctuée par les journaux d’Olivier Danrey, construits au cordeau, et par ses chroniqueurs enclins à ouvrir les frontières de la musique. Rendez-vous à Radio France, dès potron-minet.
La programmation musicale s’écrit-elle comme une partition ?
C’est vraiment ça. Avec la nécessité de se renouveler tous les matins. Je suis guidée par des goûts personnels, par ce que j’ai découvert au concert où je me rends trois fois par semaine. Je reste attentive à ce qui se passe sur les réseaux sociaux. Les musiciens entre 18 et 30 ans sont très réactifs sur Twitter et Facebook. Ensuite, avec mon équipe, nous veillons à ce que tel musicien programmé soit resitué dans l’actualité du jour, si cela s’avérait utile. J’essaie aussi de mettre en valeur ce qui se passe toute la journée sur France Musique.
Sur quelle tonalité ?
Au réveil, la tonalité majeure. Dans le choix des accords, c’est ce qui fait référence à quelque chose de positif. Plus tard, après les chroniques, je peux mettre des pièces un peu plus longues, passer par tous les styles : orchestre, piano, jazz, quatuor, concerto… Avant un journal, je vais plutôt choisir le dernier mouvement d’une symphonie en quatre mouvements, par exemple. Le deuxième nous laisserait en suspens.
D’où vient ce goût pour la musique classique ?
Ma mère aimait le silence. Et mon père était branché Pink-Floyd ! Mais ma mère disait que je chantais tout le temps à la maison : Michael Jackson, Philippe Lafontaine, Goldman. J’étais aux jeunes solistes, l’école des fans belges, à 6 ans. Et puis la Monnaie a créé un chœur d’enfants. Ma mère m’a inscrite aux auditions. Je me souviens de "Carmen". On a travaillé avec un metteur en scène, on nous a déguisés, maquillés et on s’est retrouvé, en direct, dans une arène. J’avais 8 ans. Toutes les voix, et moi, dans ce chœur d’enfants, c’était une expérience extraordinaire. Une émotion pure, la beauté… J’y suis restée jusqu’à mes 18 ans.
Au point de devenir chanteuse lyrique ?
Je me suis posé la question, à 17 ans. Mais il faut beaucoup d’autodiscipline. Et avoir accès aux meilleures formations. C’est un budget. La vie est particulière, aussi. Voyager tout le temps, être souvent seule.
Avez-vous rêvé de travailler à France Musique ?
Jamais, parce que c’est une trop grosse maison ! J’ai envoyé mon CV à Antoine Pecqueur, de la chaîne Mezzo. C’est lui qui m’a dit : "Je ne comprends pas, avec ton expérience radio, tu devrais contacter France Musique !"
De quelle famille êtes-vous issue ?
Ma mère travaillait dans le domaine des Ressources humaines au sein d’ONG puis à la Commission européenne. Aujourd’hui, elle s’est lancée dans la thérapie par la danse. Elle est née au Chili. Ses parents avaient émigré en Patagonie, où ils ont vécu 30 ans. Mon grand-père y élevait des chevaux et ma grand-mère s’occupait de ses 7 enfants. Mon père, lui, est dessinateur. En ce moment, il finalise la dernière case d’une BD "58", une enquête policière autour de l’Atomium. Son grand-père était fondé de pouvoir et agent de change. Sa mère jouait du violon. Mais elle a fermé la boîte de son instrument pour regarder les murs de sa cuisine et s’occuper de ses enfants. C’est assez triste. Je ne l’ai appris qu’à 16 ans.
Vous aimez Schubert et ses compositions nostalgiques…
C’est de la belle tristesse qui permet d’en faire quelque chose de beau, sans annuler ce qui a été douloureux, tragique. J’adore la symphonie de Mahler, son Adagio. Ce sont des moments de suspens où l’on respire, où l’on peut faire le vide au cœur d’un monde complètement dingue.
Plus de 300 invités ont parlé à votre micro. Qu’ont-ils en commun ?
Ce qui me touche, chez les musiciens classiques, c’est cet amour pour un répertoire qui remonte à des siècles. Porter, tel un serviteur, un tel amour pour un musicien mort il y a 400 ans, c’est une démarche merveilleuse.