L’inceste, un tel tabou qu’il empêche d’obtenir justice
Publié le 11-04-2018 à 11h04 - Mis à jour le 13-04-2018 à 10h39
Le temps joue contre les victimes, ces témoins courageux. La Une, à 20h20.
Violée dès l’âge de 10 ans par son père, abusé par son oncle pendant des années, en prison pour avoir touché sa fille de 12 ans… S’il y a un sujet qui est particulièrement tabou dans notre société, c’est l’inceste. Ça commence par des bisous pour finir par des gestes plus graves mais banalisés par le parent qui profite de son autorité. Après de longues années, le secret est trop lourd pour quelques victimes. Mais seulement voilà, le droit belge ne reconnaît pas l’inceste et les victimes n’ont que 15 ans après la majorité pour porter plainte.
Sortir du silence
Il y a quelques mois, Clémence Dath réalisait un sujet sur l’inceste pour le JT et était restée sur sa faim. "Forcément pour le JT, le sujet faisait 3-4 minutes mais j’étais persuadée qu’il y avait beaucoup d’autres choses à dire", nous confie la journaliste. Dans "Inceste : quelle justice pour les victimes ?", elle voulait faire entendre les victimes et aborder l’aspect juridique dont elles parlaient toutes. Les témoignages constituent la véritable force de son enquête qui a le mérite d’aborder une thématique absente des médias. "Je n’ai jamais essuyé de refus directement car les avocats étaient les intermédiaires avec les victimes. La plus grosse difficulté du sujet était qu’elles acceptent de me parler car la plupart avaient honte", explique Clémence Dath.
Une seule victime, parmi la demi-douzaine de personnes qui ont bien voulu témoigner, a accepté de le faire à visage découvert. "Une fois qu’elles acceptaient d’en parler, je les rencontrais une première fois, on parlait parfois pendant deux heures. Il fallait absolument les rassurer", ajoute la journaliste. Ces témoignages forts et sincères lèvent un coin du voile sur les conséquences de l’inceste sur le long terme : des souvenirs surgissent 30 ans plus tard, les relations amoureuses s’avèrent compliquées, un manque de vie affective et une confusion à propos de la sexualité surgissent une fois adultes. La reconstruction est longue et solitaire.
Vivre sans obtenir justice
Au-delà de ces face-à-face poignants, l’équipe de "Questions à la Une" fait intervenir des associations et des juristes préoccupées par la difficulté pour les victimes d’obtenir justice. Parce qu’elles se décident "trop tard" à parler et que les preuves manquent, leur bourreau, souvent aussi leur géniteur, reste impuni. Sauf dans deux cas, illustrés dans cette enquête et qui redonnent espoir. "Les victimes ont accepté de témoigner pour que ça ne soit plus tabou et pour montrer que ça arrive dans tous les milieux. Mais aussi pour que des filles qui vivent la même chose les entendent et puissent s’en sortir", estime Clémence Dath.
La thématique, pourtant sensible, est abordée de façon humaine et respectueuse. "Mon but, c’était de comprendre", conclut la journaliste. Et la difficulté d’illustrer le sujet est habilement comblée par des mots et des dessins.
