Akhenaton: "Chostakovitch ou Górecki sont des tonalités qui me raccrochent à des choses familières"
Publié le 12-04-2018 à 17h37 - Mis à jour le 13-04-2018 à 13h38
:focal(465x240:475x230)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ZBWE5BCPTNAT7AWVM2EJ52GPT4.jpg)
Le rappeur signe la bande-son de "Max et Maestro", série d’animation sur France 4.
Depuis son lancement, le 26 mars dernier, sur France 4 (à 17h20), la série d’animation "Max et Maestro" séduit déjà près de 21 % des moins de 15 ans. Le rappeur Akhenaton en a composé la musique originale, douze ans après avoir écrit le générique de la série "Foot 2 Rue".
Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette série d’animation de 52 x 12 minutes ?
Le producteur de "Foot 2 Rue" (Monello, NdlR) m’a proposé cette fois de faire toute la composition musicale de "Max et Maestro". Si l’univers était ancré dans le hip-hop, le personnage principal, Max, voulait découvrir la musique classique. Moi-même, j’ai découvert le classique à travers le rap, à l’âge adulte, en samplant, alors que culturellement je n’ai pas été élevé dans cet univers.
Aviez-vous des a priori sur le genre ?
Oui. Il y avait quelque chose qui me dérangeait profondément : c’est une musique qui est figée dans le temps et beaucoup de concerts ou de CD sont des réinterprétations d’œuvres anciennes. C’est l’antithèse du hip-hop, qui évolue à chaque minute. Mais en rentrant dans les œuvres, en voyant la différence d’interprétation ou le changement d’instruments lead, j’ai vu que j’avais des préférences. Cette série est importante parce que la musique rythme la vie de tous, l’amour, la mort, les souvenirs…
Qu’est-ce qui vous émeut dans le classique ?
Quand j’écoute Chostakovitch ou la "Symphonie des chants plaintifs" de Górecki, ce sont des tonalités qui me raccrochent à des choses familières. Et la musique napolitaine classique me rattache à ma culture.
Quelles ont été vos sources d’inspiration pour "Max et Maestro" ?
Aucun épisode n’était réalisé quand j’ai commencé. J’ai travaillé sur le caractère et les émotions des personnages. Pour les Ninja VNR, un groupe maladroit, il ne fallait pas faire un morceau sophistiqué. Pour le Maestro (inspiré de Daniel Barenboïm, qui prête sa musique et son image à la série, NdlR), d’origine argentine, j’ai fait une musique latine avec des percussions sud-américaines, un côté tango mais toujours un peu hip-hop. Plus les années passent, plus j’aime faire de la musique sur des images. Je l’ai fait dans des films et des pubs dont celle de la Mini Clubman au début des années 2000 qui a fait le tour de la planète sur le Web.
Comment avez-vous opéré les transitions entre le rap et la musique classique ?
J’ai réalisé pour chacun des thèmes classiques, des musiques diégétiques. Ce sont des musiques qui partent du morceau classique pendant une minute mais qui terminent sur un morceau de rap, dans les mêmes tonalités, le même esprit, à la même vitesse que le morceau classique. C’est génial. Si on le compare à un sport, le scoring est une figure libre, et le morceau diégétique, une figure imposée. J’ai galéré pour rapprocher culturellement de notre musique certains morceaux classiques, en effaçant, en recommençant… C’est un challenge que j’aime beaucoup.
Du coup, cela facilite l’accès des plus jeunes au classique.
C’est pour cela que notre culture du hip hop, qui est basée sur le sampling, n’est vraiment pas acceptée à sa juste valeur, parce que le sampling prend une musique déjà fixée, gravée, et la revisite complètement. Pour des plus jeunes, pas du tout sensibles à certains instruments, cela aide de les passer au filtre d’une orchestration moderne. Comme la nouvelle pub Citroën où ils détournent la Marseillaise. Ils sont passés des tonalités majeures, guerrières de l’hymne original à des tonalités mineures avec de nouveaux synthés qu’on retrouve dans la trap, nouvelle forme de rap. Mes enfants de 18, 20 et 23 ans sont venus au classique à travers les musiques de films, signées John Williams ou Enio Morricone. Ils ne sont pas reconnus parce que le milieu classique peut être aussi sectaire, voire plus, que le milieu du rap. J’aimerais que l’on puisse faire du hip hop dans des endroits prestigieux. Qu’on ne soit pas obligé de défendre la légitimité de notre culture, alors que la musique amplifiée est la plus écoutée et la plus vendue de toute l’histoire de la musique.
Avez-vous d’autres projets ?
On part pour une tournée mondiale pour les 30 ans d’IAM, de mi-mai à décembre, aux Etats-Unis, puis en France, Suisse, Belgique, Canada, Asie, et Afrique.