Marc Janssen, nouveau responsable du pôle Fiction à la RTBF: "On ne va pas tenter de cloner le succès de La Trêve"
En charge du pôle fiction à la RTBF, Marc Janssen détaille ses projets à court et long termes. Entretien.
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Publié le 02-10-2018 à 15h47 - Mis à jour le 04-10-2018 à 10h38
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En charge du pôle Fiction à la RTBF, Marc Janssen détaille ses projets à court et long termes. Entretien. "Notre objectif reste de maintenir un flux constant de quatre séries belges par an et si possible d’augmenter ce nombre. On ne peut pas encore les garantir mais on va y arriver. Et, si les projets continuent à progresser comme aujourd’hui, on devra peut-être un jour gérer le trop-plein. Mais ce sont des problèmes de riches donc on ne va pas se plaindre."
Face à l’évolution de la production des séries belges, Marc Janssen, nouveau responsable du pôle Fiction à la RTBF, se montre à la fois optimiste et prudent. Tout en reconnaissant que le problème reste bien financier avant tout…
Consolider le "business model" belge
"Le modèle de financement reste compliqué. Il faut être créatifs. On essaie d’aider les producteurs à voir s’il existe des façons innovantes de financer les séries belges. Arriver au budget de 3,3 millions pour les saisons 1 et 4 millions pour les saisons 2 reste un challenge. Proximus, Screen Brussels et Wallimage nous soutiennent, en fonction de leurs budgets et de leur ligne éditoriale. Il y a aussi le Tax Shelter mais d’autres tournages sont candidats aux mêmes fonds. Le montage financier de chaque série reste donc un peu un puzzle. Il y a des pièces relativement fixes, mais qui ne sont jamais totalement garanties, et c’est un vrai boulot pour les producteurs d’arriver à boucler les budgets. Nous voulons consolider ce business model."
Un domaine dans lequel Marc Janssen ne cache pas son admiration pour le modèle de BBC Studio.
"BBC Studio fonctionne comme une entreprise, comme un producteur à part : les contenus sont une entité à part, autonome. Ils ne fournissent pas que la BBC, d’ailleurs, mais aussi d’autres chaînes. Que ce soit Hakima Darhmouch à la Culture ou moi à la Fiction, on va essayer de gérer nos contenus comme des producteurs en dialogue avec les éditeurs d’offre. En répondant à leurs demandes spécifiques : ‘Faites-moi quelque chose pour répondre à telles attentes de tel public.’ Il y a la volonté d’entrer dans cette dynamique-là."
"Construire une image est fondamental. Il y a une grande curiosité économique et culturelle pour savoir qui, après les Scandinaves et les Israéliens, va émerger sur le plan international. C’est donc important pour l’image des séries belges que Netflix ait acheté La Trêve ou qu’ Ennemi public soit sur Sky qui est un grand groupe. Mais mon rêve serait que BBC4 sélectionne une de nos séries. Ce serait un label de qualité supplémentaire qui contribue à créer une marque. Les plateformes internationales sont un élément important de la construction d’une image. Elles cherchent du contenu local pour faire croire qu’elles sont ancrées dans chaque pays. Les séries belges sont faites par des Belges et pour des Belges et donc il faut rester maîtres de ce qu’on fait. D’où l’importance d’être robustes pour pouvoir nous permettre de choisir nos partenaires."
Royaume-Uni, Scandinavie, Flandre...
Grand "admirateur, fan et consommateur de séries britanniques", Marc Janssen note d’ailleurs que la production américaine est actuellement en déclin. Une raison supplémentaire d’explorer d’autres horizons : le Royaume-Uni, mais aussi les pays scandinaves ou la Frandre.
En compagnie de Sylvie Coquart, en charge de la fiction télévisée à la RTBF, il rentre d’un "study tour" scandinave effectué en compagnie de leurs homologues néerlandophones. Ce qui a permis de resserrer encore les liens entre RTBF et VRT.
"Nous avons l’ambition et l’objectif de nous ouvrir vers d’autres types de coproductions. Et la volonté de travailler sur des projets qui soient organiquement binationaux, mais il faut trouver le bon projet. Il faut que l’histoire impose ce type de collaboration. Nous avons déjà eu quelques collaborations artistiques : avec les trois réalisateurs d’ Unité 42 et les deux réalisatrices de Beau Séjour attachées à une prochaine série. Le pilote de la nouvelle série Unseen a été réalisé par Mathieu Mortelmans (Bastaard) et l’une des actrices est Veerle Baetens (Au-delà des murs)."
Une belle initiative, même si le public belge a encore peu l’habitude des fictions sous-titrées.
"On pourrait aiguiser les goûts du public et faire ce boulot de défricheur. On doit profiter du fait que de moins en moins de gens sont rebutés par les sous-titres. On peut anticiper et accompagner ce changement", insiste Marc Janssen avec conviction.
"On est partis très haut avec La Trêve mais personne n’aurait pu parier sur son succès"
Face aux audiences décevantes des séries Champion ou eLegal, Marc Janssen rappelle que "tous les grands groupes ont eu, à certains moments, des essais non transformés. Il y a des choses qui marchent et il y aura encore des échecs dans les 5, 10 ou 15 ans à venir. Le plus intéressant est d’en tirer des enseignements. Est-il possible de mieux accompagner les projets pour en assurer la réussite créative ? Cela ne veut pas dire qu’on va se diriger vers un seul type de séries. Notre volonté est toujours de faire aboutir les meilleurs projets dans tous les genres, d’autant plus que la volonté de la RTBF est de toucher des publics très diversifiés. On doit faire les meilleures séries belges possibles. On va continuer à chercher, c’est dans cette diversité qu’on trouvera des nouveaux contenus mais on fera sûrement encore des erreurs."
Cependant, certains types de fiction se prêtent plus à un prime time sur La Une que d’autres… Idem pour le format 52 minutes préféré au format 26 minutes.
"Effectivement, on va voir ce que l’équipe fiction peut améliorer pour accompagner les équipes et aider le service de promotion. On est partis très haut avec La Trêve mais personne n’aurait pu parier sur son succès, car certains se demandaient si le public était prêt pour un thème aussi âpre et segmentant. Tant mieux que le bouche à oreille ait fonctionné et que différents publics se soient retrouvés autour de La Trêve ."
Cela signifie-t-il que la RTBF pourrait céder à la tentation du calibrage des projets ? "Non parce que cela ne veut pas dire que l’on aboutirait à des séries de qualité. Le pool de talents est forcément plus étroit sur notre territoire et, quand il faut tenir un projet à bout de bras pendant trois ans, mieux vaut que cela vienne de vos tripes. On n’est pas dans un processus industriel, c’est un appel d’offres. Ceux qui nous contactent sont des fans de séries et leurs propositions reflètent les tendances de la fiction mondiale."
Dans les projets en cours de développement il y a donc… "des thrillers, mais aussi des questionnements d’ados, des comédies déjantées, des trafics de drogue, du fantastique et de la dystopie" , souligne Marc Janssen.
Qui est Marc Janssen ?
Membre du Conseil d'administration de la RTBF de 2004 à 2007, Marc Janssen a ensuite été président du CSA de 2007 à 2012. Consultant spécialisé dans les questions de réglementation, de régulation audiovisuelle, de recherches et de développement médias au niveau international depuis lors, il est aussi membre du jury du Fonds des séries belges depuis sa création en 2013. Il connaît donc bien l'équipe dont il a pris la tête désormais qui regroupe à la fois le "pool" des séries belges, celui des coproductions, celui du cinéma et de la webcréation.
Retrouvez toutes les infos sur les séries citées sur le blog La Loi des Séries