Philippe Harel : " Isabelle Carré est comme un Stradivarius, une virtuose qui ne triche jamais"
Publié le 05-10-2018 à 12h10 - Mis à jour le 05-10-2018 à 12h11
:focal(865x440:875x430)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/BBY6VYDHNBC3HJAC5CNGE4JSTA.jpg)
Le réalisateur met en scène un trio amoureux à la violence rentrée. Une histoire à découvrir sur Arte, à 20 h 55. Vingt ans après La Femme défendue, le réalisateur Philippe Harel retrouve Isabelle Carré dans Un adultèreH H, une observation sensible des relations de couple, parfois torturées.
Êtes-vous à l’origine de ce projet ?
La scénariste Stéphanie Vasseur a proposé le film à la productrice Florence Dormoy, avec laquelle j’avais déjà travaillé sur Les Heures souterraines. Quand j’ai lu le synopsis, j’ai tout de suite été séduit par ce triptyque, ces trois points de vue qui se succédaient au fil de l’intrigue. Et l’idée de retrouver la comédienne Isabelle Carré vingt ans après, non plus dans le rôle de la maîtresse mais de l’épouse, m’amusait beaucoup.
Au travers de cette histoire d’adultère, vous observez surtout le couple ?
Le sujet, c’est un homme qui n’a jamais trompé sa femme, qui l’aime et se trouve dépassé par une autre rencontre qui lui évoque les premiers émois qu’il a connus avec sa propre épouse et qu’il a envie de revivre. En même temps, il a construit quelque chose qu’il n’a pas envie de briser. Les personnages sont d’ailleurs tous plutôt bienveillants, même si les trois dérapent à leur manière. Lui en succombant à la jeune femme, elle en se proposant de travailler comme serveuse avec l’épouse, et cette dernière en réagissant de façon borderline quand elle apprend la relation. Personne ne veut faire souffrir personne, mais cela n’empêche pas la souffrance de les toucher, de les envahir.
C’est très humain.
Je voulais un film très doux, sans larmes, sans crises, sans hurlements ou bris de verre. Cela ne se termine pas non plus par un fait divers. Je voulais qu’on soit complètement dans les sentiments et que les règles de la société aient un impact minime. Je voulais arriver à l’épure, faire un film le plus simple qui soit, en allant au cœur du sujet.
Avez-vous encouragé la spontanéité des acteurs ?
Oui, en fonction de la musique que ces instruments sont capables de jouer, avec leur tessiture, et il fallait qu’il y ait une mélodie commune. S’il y a une violence intime, s’ils sont bouleversés, c’est très doux de l’extérieur. Le spectateur doit peut-être se révolter mais eux, ils sont dans le mouvement, le phénomène. Je ne voulais pas d’effets de manche, je voulais qu’ils soient au plus près de la psychologie, des sentiments.
Ce qui semble vous passionner, au-delà du scénario, c’est la confrontation des acteurs, les frottements entre les personnages…
Dans tous mes films, je suis un portraitiste. L’intrigue, pour moi, n’est pas ce qu’il y a de plus intéressant. Si l’intrigue est un prétexte, on peut revoir le film. Ce qui compte, c’est la qualité du jeu des comédiens, la musique des dialogues, la justesse des sentiments. Les dialogues d’Éric Assous sont assez fins. Cela fait un moment que je travaille avec lui et j’ai le sentiment qu’il écrit pour moi des partitions sur mesure. Nous sommes sensibles aux mêmes choses, qu’on visualise bien tous les deux. Ses dialogues sont très fluides, minimalistes. Ce qui permet un sous-texte. C’est ouvert aux non-dits, aux respirations. Les comédiens jouent aussi les silences. Ils peuvent interpréter. Isabelle Carré est comme un Stradivarius, une virtuose qui ne triche jamais. Elle est. À chaque fois, avec la même justesse. Et j’essaie de capter les scènes dans leur intégralité pour profiter de cette rigueur théâtrale, et de ce souffle qu’Isabelle peut amener.
Vous avez découvert Roxane Arnal, qui joue la jeune Alice ?
Je ne la connaissais pas en tant que comédienne. J’ai réalisé un casting pendant plus d’un mois. Je passe mes journées à m’entretenir avec les comédiens, pour voir s’ils peuvent correspondre à un rôle. Ensuite, soit je les engage directement, soit j’organise des essais pour voir comment ils fonctionnent les uns avec les autres. J’ai cherché une jeune fille qui faisait terriblement penser à Isabelle. Le film a été bâti autour d’elle et nous avons écrit une partition qui allait coller à ce qu’elle dégage, en connaissant ses capacités d’interprétation, en sachant jusqu’où on pouvait aller avec elle.