Le luxe dans le viseur de Cash Investigation
Publié le 09-10-2018 à 13h15 - Mis à jour le 09-10-2018 à 13h17
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"Cash Investigation" enquête sur cet univers peu reluisant ce soir sur France 2 à 21 h.Tout ce qui brille, n’est point or. Le vieil adage s’applique au luxe en général. Il colle parfaitement à LVMH, 20 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et à Kering, 8 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Ces géants du luxe dirigés respectivement par François-Henri Pinault et Bernard Arnault ont beau communiquer sur leurs codes de bonne conduite, leur sens de l’éthique masque de grandes souffrances humaines et animales.
L’enfer de la maroquinerie
Toutes deux font l’essentiel de leur marge grâce à la maroquinerie. La journaliste Zoé de Bussierre, au sein de la société de production Premières Lignes, a remonté l’une des filières du cuir de luxe jusqu’aux tanneries de Toscane : travail au noir, phalanges perdues au passage de la machine, heures supplémentaires non payées, tabassage pour réclamer sa paie…
De son côté, Élise Lucet s’attaque au lobby de la tannerie, à Bruxelles. Un passage édifiant, teinté de violence contenue. Un moment de bravoure pour la journaliste, dont la placidité étudiée met en défaut un interlocuteur peu enclin à répondre à ses questions claires et précises. La journaliste se plonge ensuite dans les comptes du numéro cinq mondial du luxe pour nous expliquer, avec la pédagogie et la rigueur qui caractérisent Cash Investigation, comment Kering aurait transféré pendant des années la majorité de ses bénéfices en Suisse afin de payer le moins d’impôts possible. Un ancien responsable au cœur des montages financiers élaboré par Kering s’exprime pour première fois devant une caméra. Il raconte : "Il était clair pour tout le monde qu’on s’approchait dangereusement de l’évasion fiscale."
En s’appuyant sur un système complexe et parfaitement huilé entre la France, l’Italie et la Suisse, chaque marque du groupe Kering transférerait ses profits en Suisse afin de réaliser une optimisation fiscale. Dans le Tessin, le taux d’imposition est évalué entre 5 et 13 % pour le groupe contre 33 % à Milan, où travaillent les hauts cadres du Gucci Hub.
La justice italienne a ouvert une enquête pour évasion fiscale. Interviewé, le français Pierre Moscovici, commissaire européen aux Affaires économiques et financières, fiscalité et douanes, affirme : "Il faut que la richesse produite soit taxée là où elle est." En France, aucune enquête n’a encore été ouverte. "Le parquet national financier attend de voir comment va évoluer l’enquête italienne", explique Zoé de Bussierre.
La Chine, maîtresse ès fourrures
Enfin, l’enquêtrice se rend en Chine, devenue le premier pays producteur de fourrure au monde. Chaque année, 70 millions d’animaux sont tués pour leur peau. Aucune loi ne contrôle le commerce. De l’élevage au laboratoire, les animaux ne reçoivent aucune protection. La journaliste a pu pénétrer dans les fermes d’élevage et les abattoirs qui approvisionnent certaines grandes maisons de couture, en l’occurrence Max Mara.
Dans une ferme d’approvisionnement en fourrure de lapin, les bêtes survivent sur leurs excréments qui s’amoncellent, entassés dans leur clapier, souffrant de troubles respiratoires, d’abcès, de difformités. Quant aux conditions d’abattage, filmées en caméra discrète, mieux vaut avoir le cœur bien accroché. Il aura fallu que la journaliste monte une fausse société pour accéder à ces fermes où les acheteurs ne se rendent jamais. La marque italienne a refusé toute demande d’entretien.
Dans cette chaîne de sous-traitance propice à la maltraitance du fait de la déresponsabilisation des intermédiaires, tout semble permis au nom du bon goût.V. Rou.