Guyane, saison 2: "Défendre la biodiversité plutôt que l’or"
Publié le 12-10-2018 à 14h10
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La saison 2 de Guyane percute l’actualité politique française. C’est la ruée vers Sarah Bernard, mine d’or mythique au cœur de cette deuxième saison de Guyane. Une misère à côté de la Montagne d’Or, le réel projet d’extraction aurifère qui pourrait être la plus grande mine à ciel ouvert jamais construite en France. Le consortium détenu par l’entreprise russe NordGold et la canadienne Colombus Gold s’apprête à exploiter et extraire environ 87 tonnes d’or à partir de 2022, pendant douze ans, au cœur de la forêt guyanaise, dans une réserve biologique intégrale.
Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie en 2015, y était déjà favorable. Nicolas Hulot, qui vient de démissionner, y était opposé. Pour le nouveau ministre de la Transition écologique, François de Rugy, le projet est "à reprendre". Le 5 octobre dernier, un collectif de plus de 100 scientifiques dénonçait dans une tribune au Monde : "L’extraction de l’or nécessite par jour 10 tonnes de cyanure et 20 tonnes d’explosifs afin d’extraire environ 20 kilos d’or, tout en rejetant 80 000 tonnes de déchets miniers par jour."
La réalité rejoint la fiction
C’est à Pierre Leccia (Mafiosa) et Didier Lacoste (L’École du pouvoir) que l’on doit ce formidable récit autour des ravages de l’orpaillage dans la vie des Wayana. Ces Indiens jouent leur propre rôle dans la série de Canal +. Les coscénaristes nous plongent à hauteur d’orpailleur, dans la boue et l’ordure. Des scènes d’apocalypse filmées comme des tableaux où apparaît Toko, le leader des Wayana.
Dans la vraie vie, le jeune homme de 24 ans est en première ligne contre la Montagne d’Or. Vice-président du Grand conseil coutumier de Guyane et co-porte-parole de la Jeunesse autochtone, il a livré un vibrant plaidoyer au jury du Tribunal international des droits de la nature en marge de la COP23, fin 2017.
"Aujourd’hui, nous sommes obligés d’aller chercher de la nourriture dans les grandes surfaces et de payer pour ces produits qui nous sont imposés. Notre choix ? Manger du poisson, qui nous contamine, ou acheter ces produits et nous serons tout de même contaminés par des pesticides ou des OGM", a déclaré Christophe Pierre, Yanuwana Tapoka dans sa langue maternelle. "L’État français et les autorités sont en train d’investir dans le passé, le modèle de développement occidental est un modèle qui est condamné et qui se condamne lui-même. Aujourd’hui on aurait l’opportunité d’innover, de créer quelque chose de nouveau à partir de la diversité culturelle, de la biodiversité de notre territoire et des précieux savoirs transmis par la voix des anciens. À travers les revendications amérindiennes, nous prétendons récupérer les terres de nos ancêtres pour les préserver des desseins destructeurs que les politiciens français ont pour la Guyane. Nous voulons être libres d’expérimenter de nouvelles choses et d’utiliser nos savoirs ancestraux."
"Si l’on sort l’or, la terre s’effondre"
Depuis 140 ans, la Guyane se soumet aux scènes d’orpaillage légales et illégales tandis que la jeunesse est stigmatisée par le chômage et que les Indiens Wayana connaissent un taux de suicide qui a sonné l’alerte. Aucune solution alternative, en termes d’agriculture, de tourisme, d’exploitation du bois n’ont été mises en place par les politiques successifs. Et les Indiens vivent avec ce sentiment constant de la malédiction de l’or.
Défendre les Indiens par la fiction
"Selon la sagesse des Wayana, si l’on sort l’or de la terre, la terre s’effondre. Lorsqu’on trouve de l’or, on doit le rendre à la terre. De fait, séparer l’or de la roche met en danger l’équilibre écologique", rappelle Didier Lacoste. "Le problème de la Montagne d’Or, ce n’est pas le problème guyanais, mais celui du monde entier. Quand on parle de quelques Indiens piétinés par le multicapitalisme mondial, on touche à l’universel", conclut Pierre Leccia.
Les coscénaristes avaient travaillé sur une fin différente et donné davantage de place aux Indiens, mais n’étant pas les showrunners artistiques de cette série produite par Shine Film (Endemol), ils n’ont pas obtenu le final cut.
Be Séries, 20 h 30.