Jean-Paul Gaultier : "Je suis un enfant de la télé"
Publié le 12-10-2018 à 18h05
Le grand couturier a bâti, sur la scène des Folies Bergère, "Jean-Paul Gaultier fait son show" (France 2, ce samedi, à 21 heures), une soirée à son image pour ses quarante ans de carrière, éclectique, mélangeant chanson, chorégraphies, sketches, défilés, produite par Carson Prod, coprésentée par Stéphane Bern et Daphné Bürki. Interview.
Qu’est-ce qui vous a motivé dans cette idée de monter un show pour la télé ?
Déjà le fait d’avoir derrière moi Stéphane Bern et Daphné Bürki, que j’avais choisis, et le fait d’avoir une totale liberté pour choisir les invités. Et parce que, en fin de compte, je suis un enfant de la télé. Même le métier que je fais, je l’ai fait à travers la télé. Là, j’ai bâti une revue aux Folies Bergère (jusqu’au 18 octobre, NDLR) parce que j’avais vu à 9 ans, à la télé, un petit extrait qui montrait une première des Folies Bergère avec deux filles qui descendaient des cintres. Et mon aventure commence presque avec ça, parce que du coup, j’ai mis des plumes à mon ours en peluche. Ensuite, j’ai vu le film « Falbalas » de Jacques Becker à la télé, un film qui parle de couture, et j’ai fait de la mode grâce à cela. J’adorais aussi les émissions de Jean-Christophe Averty, les soirées avec les Carpentier, et tous les vidéos clip qui sont arrivés dans les années 80.
Et tout cela a nourri vos créations ?
Totalement, comme le cinéma, les concerts, voire le théâtre. J’aime le spectacle en général et tous les ans, je vais une semaine ou quinze jours au festival d’Avignon.
Quelle est l’ambiance que vous avez eu envie d’insuffler dans ce show télé ?
Ce show représentera mon côté éclectique, avec un mélange de personnes qui n’ont ni les mêmes univers, ni les mêmes énergies. Il y a aussi de la chorégraphie et de la mode. Mais la mode touche à tout. Dans mes défilés, il y avait toujours quelqu’un qui venait chanter. Comme Edwige la reine des punks à la fin des années 70, ce qui a fait un petit scandale, même si je ne l’avais pas fait pour ça. Je trouvais normal de mélanger des gens qui avaient une attitude qui collait avec mon défilé. C’est un mix de différentes personnes, avec des talents artistiques prononcés, que j’admire. Et je voulais que ce soit un peu décalé.
Vous avez conçu les tableaux avec la chorégraphe Marion Motin, qui a œuvré pour Madonna ou Christine & The Queens ?
Oui et avec l’équipe de France 2. Il y a des points communs, esthétiquement, avec le spectacle aux Folies Bergère. J’ai proposé mes références et on a travaillé aussi sur l’habillage visuel.
Franck Saurat, le producteur, dit que vous bousculez les codes de la télé.
Je ne sais pas, je ne me rends pas compte. Mais j’assume totalement mes goûts très éclectiques. J’aime autant Mylène Farmer ou Madonna qu’Yvette Horner. Et j’aime aussi les personnes qui sont opposées, j’aime l’alliance des deux.
Vous mettez en avant les vêtement phare de votre collection ?
C’est un peu la caricature de ce que je fais, avec la marinière et le corset, mais c’est aussi l’alliage entre des références d’une élégance couture des années 50, 60 et des choses très inspirantes de la rue. Je pars sur des couples aussi, comme madame moto-cross et monsieur robe de bal ! La jupe pour homme, le kilt, ce ne sont pas des provocations, cela correspondait au fait que l’homme aussi a changé, et qu’il y a aussi des hommes objets.
Vous avez précurseur là-dessus ?
Je l’ai senti par le regard des femmes, et aussi par l’injustice qui est faite aux femmes. Sois-belle et tais-toi ? Mais les mecs aussi ont le droit d’être beaux et de se taire (rires). C’est très phallocrate comme esprit. Je me suis rendu compte par exemple que la veste d’homme a une poche intérieure côté gauche pour le portefeuille, ce qui n’est pas le cas de la veste de femme, comme si elle n’avait pas de portefeuille. Et je ne sentais pas du tout cela dans la vraie vie, dans ma famille. C’était plutôt ma mère qui dirigeait, d’une façon très douce et non ostentatoire. Elle avait le portefeuille. Ma grand-mère aussi était à la fois forte et tendre. Et puis, les filles qui avaient envie de nouveau de porter de la lingerie sexy, après que leurs mères aient brûlé leurs soutiens gorge, je me disais que c’est parce qu’elles l’avaient choisi. La femme changeait et le regard sur l’homme aussi, qui voulait voir des hommes un peu plus tendres, un peu plus sensibles.
Vous allez mettre cela en valeur dans le show ?
Oui, cela apparaît dans tout ce que j’ai fait et dans l’émission, on va montrer des hommes couture. Ils ont aussi le droit à la couture.
Avez-vous eu une émotion particulière en découvrant sur scène tous ces tableaux ?
Je redeviens automatiquement le fan que je suis. Daphné et Stéphane présentent, mais j’ai la chance de participer en tant que fan. Je ne suis pas un acteur, quelqu’un qui est sur scène. Même si j’ai présenté « Eurotrash » quelques années sur Channel 4 avec Antoine de Caunes, je l’ai fait comme un jeu. Moi, j’aime être backstage, c’est mon rôle et je me sens très bien comme ça.