Adam Price : "Nos séries doivent scruter la société dans laquelle nous vivons"
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Publié le 14-12-2018 à 08h55 - Mis à jour le 15-12-2018 à 13h04
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Présent à Bozar pour le festival Are You Series?, Adam Price a tracé les parallèles entre ses deux séries "Au nom du père" et "Borgen".Notre chance, c’est que la chaîne publique DR n’a pas pour objet de faire de l’argent ou de très fortes audiences. La seule exigence est que les séries aient l’ambition de scruter la société dans laquelle nous vivons, notre ADN, ou le système européen. Venir avec une histoire de crime ne suffit pas, il faut creuser plus loin. DR est un organe où siègent des représentants politiques, elle est subsidiée par nos taxes. On doit donc viser certains objectifs en termes de narration et la question politique les intéresse."
Si le créateur Adam Price, de passage mercredi à Bruxelles, résume si bien le contexte qui a permis la naissance d’une perle comme la série politique Borgen , il omet pourtant l’essentiel: sa capacité en tant que scénariste à s’emparer de destins humains forts et touchants qui font qu’une femme Premier ministre au Danemark ou un pasteur luthérien colérique deviennent par enchantement, et par le truchement du petit écran, vos proches, vos alter ego.
"Au départ, nous pensions que seuls les Suédois, les Norvégiens ou les Finlandais seraient intéressés par nos histoires. Les gens ont beaucoup parlé de cette femme Premier ministre et de ce qui se passait dans Borgen. La vérité, c’est que nous tentions d’imaginer ce qui allait arriver dans le gouvernement. Nous n’étions pas sorciers, nous avons eu de la chance…" L’intrigue de la série précédant, comme par magie, la réalité danoise à plusieurs reprises.
Après un tel succès, sans doute était-il compliqué de se projeter dans une nouvelle histoire. Pourtant, Adam Price s’est lancé un nouveau défi en s’attaquant à un autre thème riche en empoignades potentielles : la religion. "Qu’est-ce qui pourrait être encore plus politique que la politique si ce n’est la religion ?", sourit-il.
Les derniers épisodes de la saison 1 d’Au nom du père ont été diffusés hier soir sur Arte mais les festivaliers d’Are You Series ont eu la chance de découvrir en avant-première le début de la saison 2 à Bozar. Attendu fin 2019 sur Arte, ce nouveau volet de l’histoire de la famille Krogh charrie un flot inédit de tensions et de remises en question, conséquence du drame vécu par le pasteur et ses proches à la fin de la saison 1.
Une histoire de pouvoir et de sacrifice
Inscrite sur le fil ténu de l’émotion, la nouvelle saison prouve le savoir-faire du maître danois du drame familial et politique. Adam Price a profité de sa masterclass pour tracer de nombreux liens et parallèles entre Borgen et sa nouvelle création connue sous le titre Ride upon the storm à l’international.
"Là où Borgen est clairement une série féministe, attachée au personnage de Birgitte Nyborg et à sa relation avec son mari et ses enfants, Au nom du père en est le versant masculin via Johannes et sa relation avec sa femme ou ses fils."
Mais la nouvelle série rejoint Borgen sur la question du pouvoir et des sacrifices qu’il réclame. Le père, incarné par Lars Mikkelsen, "n’est pas aussi avisé que Birgitte Nyborg. L’ambition de Johannes le pousse à sacrifier son fils August".
Pourtant, même un père volcanique et ambitieux peut avoir des élans de tendresse et des bons côtés. "Il faut faire en sorte que les personnages que l’on crée soient aussi complexes que possible. Johannes est à la fois un bon père et un être odieux, un mari aimant et pitoyable."
photos à Bozar: Inga Padurari
Prodiguant ses conseils aux scénaristes présents, Adam Price a insisté sur ce qu’il considère comme la règle d’or : "Le plus important est d’avoir une vision claire de ce que vous voulez dire car il y aura de nombreuses situations où il faudra expliquer ce que vous attendez en peu de mots. Il ne faut jamais agir comme si l’équipe était l’esclave de votre vision mais bien faire en sorte qu’elle partage le plus possible cette vision."
La version longue de cette masterclass est à lire sur le blog "La loi des Séries"