Ces vignerons hors-norme qui ont décidé de produire du vin naturel
Punkovino**, une web-série documentaire grisante sur le vin naturel. Sur arte.tv.
Publié le 24-06-2019 à 07h19
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Punkovino**, une web-série documentaire grisante sur le vin naturel. Sur arte.tv.
La journaliste gastronomique Tina Meyer, chef des rubriques Restaurants et Bars à Time Out, offre 10 joyeux portraits de vignerons et vigneronnes produisant un vin naturel, sans intrant chimique, sans appellation rigide : en Bavière (Allemagne), à Saumur, Volvic, dans les Corbières, le Roussillon et la Loire (France), à Majorque (Baléares), au pied du Caucase (Géorgie), en Flandre (Belgique) et en Sicile. Derrière les bouteilles aux étiquettes singulières, artistiques, la journaliste braque la lumière sur ces dissidents de la viticulture européenne. En 10 épisodes de 7 minutes intelligemment réalisés par Yoann Le Gruiec, cette web-série diffusée sur arte.tv, Punkovino, désacralise le vin pour mieux l’aborder.
Pourquoi chaque épisode se termine-t-il par une improvisation de musiciens de la scène musicale indépendante ?
Un vin se boit autant qu’il s’écoute. Ces vignerons et ces musiciens se télescopent dans des univers a priori différents. Mais à l’origine, le mouvement punk était rebelle au système. On retrouve cet esprit-là, par transposition. Ces vins sortent des appellations. Il n’y a pas de mise en bouteille au château, parce ces vignerons n’ont pas de château !
Qu’ont-ils en commun ?
Une volonté de liberté très forte. Le vin naturel n’a pas de définition écrite. C’est un vin pour lequel le vigneron, la vigneronne va laisser le plus possible faire la nature. Certains vont au-delà du bio qui répond à une norme, un marketing. Ils refusent un quelconque cahier des charges pour être plus proches de la nature. Ils font leur vin tel qu’ils l’aiment, le boivent, le conçoivent. Leur seule contrainte, c’est celle que la nature leur dicte.
Pourquoi qualifiez-vous Servaas Blockeel d’ovni belge ?
C’est le seul à faire du vin naturel en Belgique. Il est passionné d’agrobiologie et a beaucoup lu les travaux de Claude et Lydia Bourguignon. Il est en Flandre, sur un terroir qui a été abîmé. Il est entouré d’agriculteurs pro-Monsanto. Les gens ont tellement mis de pesticides qu’il faut purifier la terre. Bien qu’isolé, il tente presque l’impossible. Il commence humblement en mettant des haies autour de lui afin de se protéger, afin qu’elles "boivent" les pesticides. Et il fait avec l’existant. Il travaille sans engrais, même naturels. Pour moi, il incarne une résistance. Il a les mains dans la terre et une fois dans son chai, dans sa cave magnifique dotée de cuves ovoïdes, il devient une sorte de geek en blouse blanche. Il contrôle tout, les températures, la levure pour vérifier que la fermentation part bien… Il possède à la fois ce côté paysan, terrien et ce côté savant, scientifique. C’est une perle. Son geste est beau. Pour moi, c’est un Don Quichotte.
Qu’avez-vous ressenti en dégustant son vin pour la première fois ?
J’étais dans un salon du vin, à Paris. Une bouteille traînait. Je la goûte. Je ne comprenais pas du tout ce que je buvais. Je me mets à parler toute seule en me demandant : "Qui est derrière cette bouteille ?" Et quelqu’un me dit : "Vous aimez ou pas ?" Je lui réponds que je n’arrive pas à analyser, que ça ne m’arrive pas d’habitude. Je suis déboussolée. J’aime bien, mais je ne comprends pas. Arrive Servaas qui me dit : "C’est normal, c’est un mélange de raisins rouges et de raisins blancs" ! Alors, pour être aussi fort dans la proposition musicale qui clôt son portrait, j’ai pensé que Chassol serait parfait (NdlR : chef d’orchestre, interprète, arrangeur et producteur, Christophe Chassol livre de belles chroniques, le jeudi, à 8 h 50, sur France Musique). C’est l’inventeur de l’ultrascore, une technique qui ne se raccroche à rien de ce que l’on connaît.