L’enlèvement de Patricia Hearst transfiguré par Lola Lafon
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Publié le 09-08-2019 à 11h41 - Mis à jour le 09-08-2019 à 11h42
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Découvrez, cet été, les œuvres qui ont été inspirées par des faits divers.
Le 4 février 1974, Patricia Hearst, 19 ans, riche héritière de l’empire médiatique créé par son grand-père William Randolph Hearst, est enlevée sur le campus de Berkeley. Ses ravisseurs, membres de la SLA (Armée de libération symbionaise), réclament une rançon. Dans un de ses messages, le leader de la SLA affirme : “L’empire des Hearst a pour fonction première de faire de la propagande et de brouiller le réel afin d’empêcher les Américains de voir la réalité” – on ne connaît que trop leurs légataires.
La police enquête, sans résultat. Au fil du temps, les messages enregistrés par Patty montrent une jeune fille de plus en plus critique vis-à-vis de son milieu. Elle ira jusqu’à épouser les thèses du groupuscule révolutionnaire qui la retient, se muant en Tania – un nouveau nom pour une autre vie. Lors du braquage d’une banque, les caméras de surveillance l’identifient sans détour (photo). La famille hurle au lavage de cerveau. Après une traque hors norme, Patty est délivrée en septembre 1975, lors d’un assaut d’une violence inouïe. Elle sera jugée peu après.
Avec Mercy, Mary, Patty (Actes Sud, 2017), Lola Lafon signait un roman engagé qui décortiquait ce fait divers retentissant pour mieux interroger nos modes de pensée et nos sociétés. C’est à travers le regard de deux femmes que l’on intègre cette histoire devenue fiction. Universitaire, Gene Neveva a été mandatée par l’avocat de Patty Hearst pour évaluer l’état psychologique de la jeune fille. Coupures de presse, cassettes : un imposant dossier doit être synthétisé, raison pour laquelle l’Américaine, alors professeur invité en France, recrute la jeune et timide Violaine. Entre apprentissage et transmission, chacune pousse l’autre à penser sous d’autres angles. Et à poser les questions qui dérangent. Qui est vraiment Patty Hearst ? Et si le lavage de cerveau, c’était au sein de sa famille qu’elle l’avait subi – son milieu ultra-favorisé l’ayant soigneusement éloignée de plusieurs pans de la réalité ? “La neutralité, ça n’existe pas”, écrit Lola Lafon qui, en fin de volume, n’oublie pas de remercier toutes les Violaine.
Mercy, Mary, Patty : la romancière et musicienne française a été touchée en plein cœur par trois destinées aux étroites résonances. Mercy Short (17 ans en 1690) et Mary Jamison (15 ans en 1753) avaient été enlevées lors de raids amérindiens. Là, elles participaient à la vie de la communauté, témoins des ravages et exactions de ceux se réclamant de la “civilisation”. Dans sa note à la presse, Lola Lafon interrogeait : “Que menacent-elles, ces converties, pour qu’on leur envoie polices, armées, prêtres et psychiatres ?” Cernant le concept de liberté, auscultant ce qu’un choix peut avoir de radical, portraitisant une Amérique en pleine mutation, Lola Lafon a livré un roman éminemment féministe, mené avec détermination et tranchant : une ode à toutes celles qui ont choisi de sortir du rôle qui leur a été imposé pour s’inventer un avenir.