Laurence Bloch, patronne de France Inter: "Notre mission est de fédérer"
Publié le 09-09-2019 à 10h49 - Mis à jour le 09-09-2019 à 10h50
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Laurence Bloch, patronne de France Inter, poursuit sa mission de rapprochement des générations. Entretien Caroline Gourdin, à Paris Après avoir atteint la première marche du podium, France Inter veut continuer de séduire les jeunes. Sans perdre son âme.
France Inter a été sacrée première radio de France, que pouvez-vous encore espérer ?
D’abord, le rester ! Mais surtout, continuer le travail entamé il y a cinq ans et faire en sorte que France Inter soit la radio de toutes les Françaises et de tous les Français, quels que soient leur âge, leur origine, leur métier, ou le lieu où ils vivent. La mission de France Inter, c’est de rassembler, de fédérer, d’être une chaîne intergénérationnelle. La moyenne d’âge de nos auditeurs est de 54 ans, soit 3 ans de moins en moyenne que les autres radios généralistes. Sur les 6,3 millions d’auditeurs quotidiens, un million a moins de 35 ans. C’est la grande victoire, parce qu’on a gagné 400 000 auditeurs sur cette tranche de population dont on dit qu’elle n’aime plus la radio et déserte les médias traditionnels. L’objectif est de faire en sorte que les moins de 35 ans retrouvent les personnes de 50 ans et plus et qu’il y ait un endroit où l’on puisse faire société, se parler, s’accrocher, s’écouter. Alors que la société française est extrêmement fracturée, inquiète, volatile.
Et que ces générations puissent se retrouver aussi sur l’antenne, le linéaire.
C’est important de conserver le socle de fidèles de France Inter, tout en attirant les plus jeunes, en essayant de leur offrir ce qui les concerne, de les trouver là où ils sont. Grâce à Yann Chouquet, directeur des programmes et de la production, on a ouvert la chaîne à la pop culture, créé "Popopop" d’Antoine de Caunes en 2017 et cette saison, un magazine hebdomadaire sur les séries et une émission sur la pop urbaine, le secteur musical le plus populaire. Nous avons fait des opérations autour de Game of Thrones pour la dernière saison. France Inter est non seulement une chaîne référente, mais aussi une chaîne qui sait parler de la culture de son époque, puissante sur le plan de l’humour, qui est une façon pour les jeunes de voir le réel. On a fait beaucoup de concerts avec des groupes qu’ils affectionnent et porté des artistes comme Clara Luciani ou Angèle, venue très tôt sur Inter. Nous sommes actifs sur Twitter, Instagram, Facebook, et j’espère Snapchat. Nous avons beaucoup de partenariats avec Konbini, en particulier sur les sujets d’environnement.
Les jeunes écoutent-ils aussi Augustin Trapenard, par exemple ?
Il y a des jeunes parmi les 1,8 million d’auditeurs de Boomerang. On va regarder avec d’attention l’audience de L’Heure en séries, du Grand urbain ou de La Terre au carré, mais la première est numéro 1 sur I Tunes et cette dernière s’est vite installée sur les réseaux, ce sont des signes. L’activité de dissémination des contenus et le rôle de community manager sont capitaux. À 9 heures sur votre radio, vous devez rester fédérateur, mais sur les réseaux, il faut avoir la bonne temporalité et le choix des bons supports. Il y a une double chaîne de production et une double diffusion.
Les podcasts, "deuxième ligne de production"
Y a-t-il des territoires à explorer ?
On développe les podcasts qui permettent d’aborder des sujets clivants, pointus, que l’antenne n’aborde pas avec autant de profondeur. On continue les collections "Oli", "Les Odyssées", on lance "Intérieur Queer", podcast natif porté par trois jeunes de la communauté LGBT, et un podcast hebdo, "Pour/Suite", porté par Bruno Duvic avec la rédaction d’Inter sur des sujets d’actualité, comme l’affaire du Mediator, le 12 septembre. On va lancer des podcasts natifs autour des sorties d’albums d’artistes dont on est partenaire. Il faut trouver des ressources pour cette deuxième ligne de production.
Allez-vous devoir encore faire face à des restrictions budgétaires ?
Que Radio France soit sollicitée pour participer à l’effort demandé aux entreprises publiques, je le comprends même si c’est difficile. Nous irons chercher des ressources à l’extérieur, des partenaires qui partagent notre éthique, notre vision du monde, des mécènes comme aux États-Unis. Cette obligation d’économies nous pousse à réinventer nos métiers. Les gens de cette maison ont envie de polyvalence, de goûter au numérique.
L’audiovisuel public français peut avoir une image poussiéreuse…
Je trouve injuste de considérer que le service public de la radio serait un mastodonte poussif incapable de se réformer. Ses audiences explosent, il a une empreinte numérique qu’il n’a jamais eue, et il a montré une vélocité et une plasticité que les radios privées n’ont pas forcément montrées. Quand je suis arrivée en 2014, il fallait faire entrer cette chaîne dans la modernité, ce qui passait d’abord par la parité, puis par la mise à l’antenne de la jeune génération, Giulia Foïs ou Nadia Daam, tout en conservant ceux qui font l’ADN de France Inter : Mathieu Vidard, Jean Lebrun, Laure Adler…
Sibyle Veil dans son discours de rentrée a même évoqué un combat politique.
Elle a dit que l’on devait apporter de la paix dans la société civile et lui redonner de la confiance. Ce sont des mots très beaux pour cette maison.