Turquie: une entreprise nationaliste à marche forcée
Comprendre le destin chaotique d’une nation, au travers de ses leaders, Atatürk et Erdogan. Arte, dès 20 h 50.
Publié le 29-10-2019 à 10h02 - Mis à jour le 29-10-2019 à 10h03
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Comprendre le destin chaotique d’une nation, au travers de ses leaders, Atatürk et Erdogan. Arte, dès 20 h 50. Un détour par l’Histoire est indispensable pour mettre en perspective l’annexion par la Turquie des territoires du nord-est de la Syrie et le massacre des populations kurdes. Sans entrer dans le détail des récents événements, Jean-François Colosimo signe une analyse remarquable de l’édification chaotique de cette nation, avec Turquie, nation impossible , documentaire ficelé avec le concours soigneux de Nicolas Glimois à la réalisation.
L’auteur a choisi le prisme d’un comparatif entre les deux figures les plus emblématiques de cette jeune nation de cent ans : le père de la nation, Mustafa Kemal, dit Atatürk, et Recep Tayyip Erdogan, le fondateur de l’AKP, ce parti islamiste qui fait l’objet d’un autre documentaire diffusé à 22 h 25, L’AKP d’Erdogan.
On ne peut comprendre l’ascension d’Erdogan, arrivé au pouvoir en 2003, et sa posture de nouveau sultan islamiste se tournant vers l’Orient, sans se pencher sur le parcours de Mustafa Kemal, le premier président de la République turc (de 1923 à sa mort en 1938), qui fut d’abord un général révolutionnaire avant de se muer en despote éclairé, laïc et soutenu par l’Occident. Ce documentaire démontre brillamment que, si les deux hommes sont en apparence opposés dans leurs orientations, ils partagent le même rêve de puissance pour la République turque.
Haro sur les opposants
Ce mythe d’une nation unique a pour prix le sacrifice des "ennemis intérieurs", à savoir toutes les identités héritées de la mosaïque ottomane : arménienne, grecque, juive, kurde, alévie… "Cette réécriture de l’histoire nationale, de laquelle participe la négation du génocide arménien, est l’un des problèmes majeurs de la Turquie actuelle", soutient Jean-François Colosimo.
Ce film pointu, bâti sur des archives rares, n’aurait pu se faire sans le concours d’intellectuels turcs exilés, qu’ils soient journaliste, écrivain, historien, politologue ou sociologue. Ils reviennent sur les moments clés d’une histoire violente, qui démarre avec la création de la République turque sur les ruines de l’empire ottoman après la Première Guerre mondiale. Un siècle ponctué de nombreuses persécutions et phases de répression à la suite de différents coups d’État militaires.
Le dernier putsch avorté des 15 et 16 juillet 2016 a paradoxalement contribué à renforcer le pouvoir d’Erdogan. Un pouvoir cependant fragilisé aujourd’hui, "de par sa politique hasardeuse étrangère et la fin du boom économique", explique l’auteur. D’où le risque de vouloir imposer sa domination par la force.