"Le Docteur Jivago", le roman qui menaça la vie de Boris Pasternak
Le prix Nobel de littérature a réussi à franchir les frontières de l’URSS pour être publié. Un documentaire à voir ce mercredi à 22h55 sur Arte.
- Publié le 06-11-2019 à 11h57
- Mis à jour le 06-11-2019 à 11h58
:focal(839.5x480:849.5x470)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/DXW7D4HDPVGQBOR3QLA66A5ONA.jpg)
Le prix Nobel de littérature a réussi à franchir les frontières de l’URSS pour être publié. Un documentaire à voir ce mercredi à 22h55 sur Arte.
Jivago" signifie "vivant" en russe. Avant de trouver son titre, le roman de Boris Pasternak s’intitulait La Bougie brûlée dans sa première version manuscrite du Docteur Jivago. "Ce roman, c’est ma vie, ma lutte secrète et sourde", confie le poète russe qui dédie son roman à un autre poète et ami, Titsian Tabidze, qui sera fusillé. Dans cette belle collection d’Arte, Les Grands Romans du scandale, Nino Kirtadze raconte dans Le dossier "Docteur Jivago" - Je vous invite à mon exécution comment le manuscrit a réussi à franchir les frontières de l’URSS pour être publié à l’étranger. Comment il a réussi à déjouer les autorités soviétiques qui tentaient d’arrêter sa publication.
"Battus comme des cartes dans un jeu"
Le père de Boris Pasternak traduisait les poètes géorgiens qui étaient aussi ses amis. Ils ont été exécutés par Staline ou se sont suicidés. Le fils sait qu’il peut être exécuté en raison de ses écrits. Il est prêt : "Moi aussi, j’avais peur. Dans ces années terribles et sanglantes, chacun d’entre nous pouvait être arrêté. Nous étions battus comme des cartes dans un jeu. Comment se réjouir d’être en vie alors que tant d’autres sont morts. Il faut que quelqu’un pleure fièrement, qu’il endure le tragique de la vie. Si j’ai survécu, c’est parce que Staline, pour des raisons incompréhensibles, m’a protégé. Le roman est la seule solution pour exprimer mes vraies pensées. Mais c’est tellement éloigné de ce qu’on exige de nous ici qu’il m’est difficile d’écrire régulièrement. Et le sentiment de ma solitude s’accroît en moi à en hurler."
L’arme de la CIA
En 1956, Boris Pasternak met un point final à son roman. Dans ce documentaire sensible et documenté, la belle-fille et la petite-fille de l’écrivain témoignent. Des acteurs clés racontent comment le manuscrit est remis en mains propres à un agent littéraire italien qui le fait sortir clandestinement pour un éditeur milanais. Puis, comment il arrive de manière providentielle chez Gallimard, en France. En 1957, Le Docteur Jivago est publié. En 1958, Boris Pasternak est auréolé du prix Nobel de littérature.
En pleine guerre froide, la CIA a bien compris comment la littérature peut servir d’arme idéologique aux mains de l’Occident. L’Agence centrale du renseignement américaine décide alors de préparer une édition pirate du texte russe destiné à circuler sous le manteau en Russie. À l’ombre de l’Atomium, à Bruxelles, le Vatican s’en mêle aussi…
En 1960, un an et demi après son prix Nobel, Boris Pasternak meurt subitement. Le pouvoir soviétique se vengera sur l’amante du poète, Olga Ivinskaia, condamnée à 8 ans de camps avec sa fille. Le Docteur Jivago ne paraîtra en Union soviétique qu’en 1988, soit trois ans avant la dissolution de l’URSS. Ce documentaire rend un vibrant hommage à l’art, à l’artiste, aux éditeurs et traducteurs sans qui Le Docteur Jivago n’aurait jamais pu voir le jour.